XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée

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– Oh, Monsieur de Tantale, restez, je vous en prie ! lança-t-elle en s'élançant à la suite du père et du fils. J'adorerais faire votre connaissance.

Elle s'était exprimée de son ton le plus innocent – trop pour être vrai – et vit d'ailleurs Olivier tourner un regard incrédule – quoiqu'extrêmement satisfait – vers elle. Elle lui adressa un clin d'œil complice, avant de se délecter de l'hésitation qu'elle vit apparaître sur le visage de Donatien de Tantale. De toute évidence, il n'avait nulle envie de s'en retourner à son bureau et voyait d'un bon œil une soirée en la compagnie de son fils et de l'amie de ce dernier. Rose se sentit jubiler intérieurement. D'une pierre, deux coups : elle entrait dans les bonnes grâces d'Olivier, repayant un peu de sa dette, et s'allouait une soirée entière pour tout apprendre des projets de l'immonde industriel.

– Eh bien, reprit le père d'Olivier. Comment résister à une telle supplique ? J'imagine que je vais me joindre à vous, dans ce cas. Il convient sans doute que je vous demande votre nom, n'est-ce pas ?

– Rose. Elle s'appelle Rose, la délicieuse petite fleur de notre cher Olivier.

La rouquine sursauta en reconnaissant la voix, et se retourna d'un geste brusque pour se retrouver nez à net avec l'homme qu'elle avait souhaité ne pas revoir de tout son cœur. Janvier, le prédateur, qui passait toujours son doigt sur la cicatrice en croissant de lune de son œil, la dévorant d'un regard mauvais.

– Rose, en effet, se força-t-elle à articuler, comme dans un défi lancé au nouvel arrivant – visiblement l'assistant personnel de Monsieur de Tantale. Rose Phorbe-Nascorie.

– C'est un plaisir que de faire votre connaissance Mademoiselle Phorbe-Nascorie, répliqua aimablement Donatien de Tantale, inconscient du duel qui se jouait à son insu.

Les banalités d'usage échangées, Donatien de Tantale finit par s'éclipser, entraînant à sa suite le terrible Janvier. Rose vit disparaître ce dernier avec un soulagement non feint, qu'elle exprima par un soupir, relâchant enfin la raideur qui la forçait à se tenir si droite, maintenant ses épaules en arrière.

– Tout va bien ? s'enquit Olivier, prévenant. Vous semblez troublée ; inquiète même. J'ose espérer que vous êtes bien consciente que rien ne peut vous arriver dans cette maison. Un mot de vous et je demande au chauffeur de vous reconduire chez vous !

Rose esquissa un maigre sourire, appréciant le ton rassurant du jeune homme.

– C'est fort aimable, soupira-t-elle. Je dois vous avouer que je n'apprécie guère la présence de l'assistant de votre père ; il m'a fait si peur, le soir du bal – quand bien même il se trouvait sans doute plus dans son bon droit que moi.

– Ah, je me doutais bien que vous n'étiez pas entrée par la grande porte, soupira Olivier, amusé. Je n'ai pu retrouver votre nom sur la liste des invités – ce qui fut un véritable coup de massue ; je ne disposais de nul autre moyen de vous retrouver.

– À part le hasard, osa mentir Rose dans un murmure indécis.

Olivier hocha gravement la tête, lui adressant un regard profond, comme s'il ne pouvait réprimer plus longtemps l'infini soulagement qui le tenaillait maintenant qu'ils s'étaient retrouvés. Rose, elle, s'autorisa à s'emparer de son bras, soulagée qu'il ne lui tienne pas rigueur de s'être introduite au bal de son père sans y avoir été invitée.

– Et si vous me faisiez le tour du propriétaire pendant que nous attendons l'heure du repas ? lança-t-elle joyeusement, levant un regard taquin vers lui, par dessous ses cils.

Olivier ne se laissa pas décontenancer cette fois-ci, et l'entraîna bien volontiers vers l'extérieur. Sa prévenance amusait et attendrissait Rose à la fois, qui se prit bien vite au jeu, oubliant jusqu'à sa mission.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant