XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée

Start from the beginning
                                    

– Vous me voyez navré de l'apprendre, lui murmura Olivier.

Nulle détestable pitié ne suintait de ses mots ; juste une infinie compréhension, une compassion douce et amère. Rose sentit quelques larmes lui piquer les yeux. Elle s'efforça de les ravaler, mais ne fut pas assez efficace pour que sa réaction échappe à son compagnon de douleur.

Il ne perdit pas son temps en mots, réagissant instinctivement, comme l'aurait fait un ami touché par la peine d'un autre. Il tira doucement sur la main de Rose et l'attira tout contre lui, dans une étreinte attentive.

– Nous n'aurions pas dû évoquer ces sujets pénibles, l'entendit-elle chuchoter près de son oreille.

Visiblement très ému lui aussi, Olivier ne prononça pas une syllabe de plus, et la prisonnière de ses bras lui en fut reconnaissante ; le silence d'une étreinte valait tous les discours, et elle appréciait d'autant plus leur proximité. La chaleur de son corps pressé contre le sien, les longs doigts d'Olivier qui s'enfonçaient un à un dans le dos de Rose, preuve trop tangible de son trouble, leurs cœurs qui battaient à l'unisson, et ces mèches brunes qui chatouillaient le front de Rose, enfin.

Se sentant soudain beaucoup mieux, comme prise d'un sentiment d'euphorie, elle osa monter une main hésitante vers le visage du jeune homme. Celui-ci ne recula pas, semblant attendre, impatient, impassible, comme hypnotisé. Les doigts de Rose effleurèrent sa joue, caressèrent les mèches qui tombaient devant son visage, et s'enroulèrent enfin derrière la nuque du jeune homme, comme pour mieux assurer sa prise sur lui, pour lui prouver qu'elle le tenait entre ses griffes et ne le laisserait jamais, jamais filer.

Leurs regards s'arrimèrent l'un à l'autre, comme deux coquilles de noix en pleine tempête. Rose vit danser les vagues dans les prunelles brunes d'Olivier, qui se zébraient soudain de paillettes orageuses. Lentement, comme si le geste avait été naturel, le jeune homme se pencha vers elle pour resserrer plus encore son étreinte, pour annuler tout cet espace superflu qui demeurait encore entre eux.

– Olivier, tu es là ? Je suis rentré plus tôt que prévu !

Ils se décollèrent brusquement l'un de l'autre, dans un même réflexe. Monsieur Donatien de Tantale fit ainsi son entrée dans la pièce pour découvrir son fils unique debout en face d'une charmante inconnue, à qui il lançait un regard coupable – qu'elle lui rendait bien, d'ailleurs. Il ne fut pas dupe un seul instant.

– Enfin... hésita-t-il. Je suis rentré plus tôt... pour aller chercher mon... mon porte-document... pour repartir travailler. Ne m'attends pas ce soir, fiston ! J'ai encore une montagne de dossiers urgents à éplucher, je rentrerai tar... Non, je dormirai au bureau en fait. Passez une bonne soirée !

Il disparut aussi sec, laissant Rose interloquée tandis qu'Olivier se pressait à sa suite.

– Père, vous travaillez trop, le prévint-il. Vous allez vous tuer à la tâche. Je suis sérieux !

Une inquiétude véritable perçait sa voix, permettant à Rose de lui pardonner sa soudaine défection. Comment aurait-elle pu le blâmer de se préoccuper plus du bien-être de son père – sa seule famille – plutôt que du sien ? Alors même qu'elle se faisait cette réflexion, Rose devina quel dilemme allait bientôt lui serrer le cœur. Terra mater, elle réalisait peu à peu quel effet Olivier pouvait avoir sur elle, et craignait de l'apprécier trop pour oser lui faire du mal ; pour mener à bien le plan convenu avec Edelweiss, Chardon et Valerian. Quelle faiblesse !

Toutefois, la rouquine réalisait également qu'elle pouvait initier une certaine manœuvre qui plairait à Olivier tout autant qu'elle servirait les intérêts de la Mission Licorne. Elle se lança donc sans plus penser à ses cruelles hésitations :

Pétales de Rose et rameau d'OlivierWhere stories live. Discover now