VIII. Damoiselle Rose, plusieurs fois abusée

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Elle esquissa un semblant de révérence, assez peu concluant vu le mal qu'elle avait toujours à tenir sur sa jambe droite, puis s'en retourna avec l'intention assez évidente de quitter la chambre de Valerian, investie pour l'occasion. Rose, incrédule, vit celui-ci se mettre à fulminer tant et si bien qu'elle fut étonnée de ne pas voir son crâne dégager quelque fumée. La manipulation était effectivement des plus grossières ; et pourtant...

– Répète un peu ce que tu viens de dire ! s'exclama-t-il en s'approchant dangereusement de Chardon.

– Je n'ai rien dit, protesta cette dernière. C'est Edel !

Elle esquissa néanmoins quelques pas en direction de son adversaire, comme pour bien lui montrer qu'elle ne comptait pas se laisser intimider si facilement. Valerian fronça les sourcils, et Rose, à côté d'Edelweiss, apprécia la scène, non sans une pointe de lassitude cependant.

– Bravo... maugréa-t-elle à l'instigatrice de la dispute, sans savoir si elle le pensait réellement ou si elle entraînait son sens du sarcasme.

– Merci, souffla sa cadette. C'était plus facile que je ne m'y serais attendue.

En face d'elles, Valerian et Chardon en étaient toujours aux échanges d'amabilités, quoi qu'ils poursuivent inlassablement leur étrange manège consistant à se rapprocher peu à peu l'un de l'autre. Rose se demanda ce qui finirait pas arriver lorsqu'il ne resterait plus d'espace entre leurs deux corps.

– Val n'a pas encore accepté de nous aider, ne put-elle toutefois s'empêcher de remarquer. Ne vends pas tes fleurs avant qu'elles aient poussé.

Détendue, Edel haussa légèrement les épaules.

– Ce n'est plus qu'une question de secondes, à mon très humble avis. Chardon est en train d'écorcher son ego de mâle de toutes ses épines. Il n'aura qu'une seule manière de restaurer l'estime qu'il se porte. C'est un sujet d'étude intéressant, le valeriana officinalis, tu sais – niveau psychologie et fonctionnement interne, je veux dire. Tout le contraire de toi ; tu es chiante, et c'est tout. Juste chiante.

– Merci Edel, je vais faire semblant de prendre ça pour un compliment.

– Je t'en prie Rose, c'était plus ou moins censé en être un.

Tandis que les deux sœurs échangeaient leurs messes basses, Valerian et Chardon atteignaient le point critique où l'espace entre eux deux s'était tellement amenuisé que le prochain à esquisser un pas amorcerait invariablement le corps à corps avec l'autre. Rose voulut presque parier avec Edel sur l'identité de celui qui s'avancerait en premier, mais le couple infernal la prit de court : ils s'avancèrent simultanément, cognèrent leurs fronts l'un contre l'autre dans un bruit sourd et perdirent finalement l'équilibre. Chardon atterrit pile sur Valerian, le visage collé au sien, tandis que les mains du jeune homme atterrissaient – réflexe malencontreux, tâcha de se convaincre Rose – tout droit sur la poitrine de son opposante. L'espace d'une seconde, d'une minuscule petite seconde, Rose eut l'impression qu'ils s'étaient embrassés.

– Ça va Cha ? s'inquiéta Valerian, paniqué et presque sincère.

– Ôte immédiatement tes mains de là ! répliqua aimablement la jeune femme.

Ils se désempêtrèrent tant bien que mal, mais ne reprirent pas leur dispute, ayant l'air aussi gênés l'un que l'autre. Rose eut toutes les peines du monde à dissimuler un petit sourire en coin, tandis qu'Edelweiss ne se privait pas d'afficher une humeur satisfaite.

– Bon, j'imagine que l'affaire est entendue, déclara-t-elle joyeusement. On se revoit cet après-midi pour débuter ta tournée, Val ! Sur ce, permettez que je vous laisse à vos charmantes distractions. Rose, tu viens ?

Pétales de Rose et rameau d'OlivierWhere stories live. Discover now