Chapitre 2

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Cité d' Antigonia, juin 2081 :


Gabrielle se jeta sur le siège conducteur de sa voiture. Elle enfonça la clé dans le contact et donna un coup d'œil à son reflet dans le rétroviseur.


— Mais démarre, bordel !, intima-t-elle à sa berline noire. 


Elle poussa l'embrayage et le moteur se mit à vrombir. Elle enclencha la marche arrière sans ménagement et recula en faisant crisser les pneus puis démarra en trombe.

Ce n'était pas en prenant son service en retard qu'elle se ferait assez d'argent ce mois-ci. A l'aube du week-end, les soirées étaient plus que rentables si on savait où attendre les clientes.

Elle roulait en direction de l'hyper centre lorsque son téléphone sonna.Elle décrocha grâce aux commandes au volant.


— Allô !

— Gabrielle,t'es où ? 


C'était sa patronne, Dotie, dont la voix rendue rauque par la consommation de trente cigarettes par jour depuis plus de vint-cinq ans envahissait l'intérieur de la voiture.


— Je roule vers le centre. Pourquoi ?, répondit Gabrielle.

— Je viens d'avoir un appel et t'es la seule dans le coin. Il y a une course pour toi à l'Opéra. La personne a demandé à ce qu'on vienne la chercher par la sortie arrière. Peut être un membre du personnel ou une star, ironisa-t-elle.

— C'est ça, oui. C'est bien mon genre d'avoir la chance de trimballer une célébrité. Surtout à cette heure-ci. On commence à être sur le créneau "ivre et hystérique" pas "classe et haut placé". Bref, je prends la course, à plus Dot'.

— Merci,à plus tard.


Gabrielle accéléra. Elle passa devant la mairie, qui était illuminée à untel point que cela faisait mal aux yeux. Elle s'inséra sur l'une des grosses artères de la ville et commença à zigzaguer. Elle doublait à gauche, à droite. Peu importe, à cette heure-ci, les patrouilles de police avaient autre chose à faire.

La silhouette imposante du grand opéra se dessinait en face d'elle. Il lui fallait prendre la sortie vingt-trois et récupérer les boulevards avant de l'atteindre. Il était coiffé de trois immenses coupoles en pierre qui juraient infiniment avec l'architecture environnante. Tout n'était que buildings en verre et en béton, voies de circulation goudronnées, ponts aux airs de figures géométriques et lumières scintillantes. Un noël perpétuel animait ce secteur, non pas que les coins sombres n'existaient pas,seulement pas de ce côté-ci de la ville.

Gabrielle roulait dans le quartier des affaires, accolé à celui des théâtres, cinémas, restaurants et bars de nuits. L'Opéra dominait les lieux comme un vieux roi refusant de céder sa place sur le trône.

La jeune femme obliqua dans l'immense boulevard qui passait devant l'Opéra et repiqua dans la première rue à droite. Elle roula environ une minute puis reprit à gauche.

L'arrière du bâtiment était assez quelconque, plutôt propre bien qu'encombré de quelques bennes à ordures. Plutôt désert aussi. Gabrielle scrutait le bas du bâtiment gris pour voir si quelqu'un l'attendait dans l'ombre quand un rectangle de lumière se découpa soudain dans le mur. Une silhouette se trouvait dans l'embrasure. La jeune femme s'arrêta et descendit de voiture. Compte tenu de l'air décidé qu'arborait la femme qui s'avançait vers elle, il devait bel et biens'agir de sa cliente.

Matriochkas (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant