Désespérer

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Je suis tombée en dépression. Les psychologues de l'école disaient que c'était normal vu la situation que je traversais. Pourtant, je ne suis pas normale. Je suis handicapée. Je suis aveugle. Je ne reverrai jamais un couché de soleil, un magnifique paysage, un beau gars croisé dans la rue... Tout ce que je pouvais désormais "voir" était le noir des ténèbres. Tous les jours en me réveillant jusqu'à ce que je m'endorme. Du noir. C'était comme vivre sa vie dans une pièce complètement noire. C'est impossible.

Je suis tombée dans une dépression intense. C'était terrible. Je ne sortais plus, je ne mangeais plus. Tout ce que je faisais c'était de pleurer et regarder le vide. Dans le noir pour être plus précise puisque le seul vide que je peux contempler est le vide noir... Je ne voulais pas sortir puisque j'étais désormais obligée de sortir avec mon nouveau garde du corps, Georges. Il me suivait partout où j'allais et ça ne faisais que retourner le couteau dans la plaie. Ça ne faisais que me rappeler que je ne reverrai plus jamais la moindre couleur mis à part le noir, que je ne pourrai plus jamais observer le moindre objet et que je ne pourrai jamais vivre seule et être indépendante. J'aurai toujours besoin de quelqu'un pour m'aider.

J'étais seule et la solitude me faisais souffrir mais je m'obstinais à rester cloîtrée dans ma chambre. De toute façon, avec qui aurais-je pu parler? À mon père? Non il n'est jamais là à cause de son travail. À Georges? Impossible. Cet homme, que j'imaginais être une vraie armoire à glace, était aussi bavard qu'un mort. À mon chat? Oui j'aurais pu parler avec mon chat. Le seul problème, c'est que je n'avais pas de chat. Bon, j'en avais un mais il s'était enfui quelques jours après que je sois devenue aveugle... À croire que je fais fuir tout le monde... Stupide chat. Je l'aimais moi. Je l'aimais de tout mon cur. Je le nourrissais à chaque jour, trois fois par jour, des fois quatre. Je le caressais tout le temps. Je lui donnais tout mon amour au point que mon copain en était parfois jaloux...

C'est pour ça que j'ai refusé d'avoir un chien guide. Je n'avais pas envie de me faire abandonner une nouvelle fois. À la place, on m'a imposé un homme. Georges. Au moins, c'est sûr que cet homme n'allait jamais m'abandonner, il était payé pour s'occuper de moi et les hommes sont presque toujours dévoués quand l'argent entre en jeu...

Je suis restée plus de huit mois en dépression. J'ai pensé plusieurs fois à m'enlever la vie mais je n'avais accès à rien de coupant... J'étais aveugle et c'était beaucoup trop dangereux d'avoir dans le chemin des objets pointus ou coupant. J'étais donc obligée de supporter cet enfer durant tout le reste de ma misérable vie.

L'optométriste avait dit que j'avais eu de la chance de tomber aveugle si tard. Pourtant, je n'avais pas l'impression que 17 ans, c'était tard. Je n'avais pas eu le temps de voyager, de réaliser mes rêves, de vivre tout simplement... Mais ce qu'il voulait dire, c'est que j'étais censée devenir aveugle à 5 ans. Selon lui, c'était un miracle que j'ai pu voir aussi longtemps. Surtout qu'il était persuadé que, après notre première rencontre, il ne me resterait plus que 2 à 3 mois à voir encore... J'ai cependant réussi à voir encore pendant 8 ans.

Un miracle. C'est le mot qu'il a utilisé pour décrire ma situation. Il a aussi dit que j'étais chanceuse. Justement, je ne vois pas ce qu'il y a de chanceux à être aveugle... J'aurais mieux aimé devenir aveugle à 5 ans... J'aurais au moins eu plus de facilité à m'adapter. Comme les enfants ont plus de facilité à apprendre une nouvelle langue qu'un adulte. C'est pourquoi j'aurais préféré devenir aveugle à 5 ans. J'aurais pu m'habituer plus facilement.

Pendant trois mois, je ne suis pas allée à l'école. J'ai passé ce temps à aller voir des professionnels pour mieux apprendre à vivre en société avec mon handicap.

Pourtant, bien que je pensais que je pire était passé, j'avais tord. Le pire s'est produit lorsque je suis rentrée à l'école et quand je me suis faite rejeter par tout le monde. C'est ce qui m'a fait plonger dans ma profonde dépression.

Qu'est-ce qui m'a fait sortir de tout ce malheur? L'amour, bien évidemment...

Malformés (Terminée)Where stories live. Discover now