Cauchemar en cuisine

3. Angoisses et surprises

Je suis dans un tel état de surprise et d'incompréhension que je n'ai même pas le temps de réagir. La seule chose qui me vient à l'esprit, à ce moment, est de me laisser tomber au sol et de me plaquer dos à la porte, pour ne pas me faire voir.

Alors c'est ce que je fais. Comme un idiot, je me recroqueville contre le battant de bois, ramène mes jambes contre mon corps et m'enfouis la tête dans les genoux, me faisant le plus petit possible. J'entends les pas énergiques de la femme, étouffés par la moquette, se diriger dans ma direction. Elle a l'air plus que sûre d'elle. Tout à coup, elle se racle la gorge si fort et avec une telle hargne que je commence à en avoir vraiment peur. Si elle me voit ici, que va-t-elle faire? Et qu'est-ce que je lui servirai comme excuse? J'en sais absolument rien...

J'essaie de me rétrécir encore, en me terrant encore plus dans le coin, entre la porte et le mur. Elle va sortir de la pièce d'un moment à l'autre. Je me recouvre la tête avec mes mains et j'attends qu'elle passe. Je suis si petit que j'ai la conviction qu'elle ne me verra pas.

-Bonjour Monsieur. Vous désirez?

Oh non! c'est elle, c'est sûr! Est-ce que c'est à moi qu'elle parle? J'entends mon cœur tambouriner dans ma poitrine. Je n'ose pas relever la tête.

-Monsieur?

Je suis terrorisé par sa voix, j'ai l'impression qu'elle veut me tuer rien qu'à l'entendre prononcer ce mot. Je ne sais pas quoi faire, c'est à moi qu'elle parle, c'est certain. Je me mords les lèvres, incapable de faire quoique ce soit d'autre. Je suis complètement paniqué. Soudain, je la sens se rapprocher doucement. Elle me touche l'épaule. Je sursaute violemment et ne peux m'empêcher de lâcher un cri. Oh mon Dieu, je me sens devenir rouge écarlate tant j'ai honte de mon comportement. Vraiment, qu'est-ce que j'ai honte!

Finalement, je ne sais trop comment, me voilà qui lève la tête pour la regarder. On se croirait dans une comédie romantique américaine, lorsque les deux personnages principaux se rencontrent et ont immédiatement un coup de foudre. Sauf que je ne l'ai pas, le coup de foudre, non, absolument pas.

Cette jeune femme n'est pas moche, mais elle n'est pas belle non plus. Elle doit avoir mon âge, ou peut-être guère plus, mais quelque chose dans ses traits me dérange. Peut-être que ce sont ses cheveux blonds ramenés en chignon qui lui donnent un air strict. Ou alors ce sont ses yeux. Oui, ça doit être ça. Ils sont d'un bleu glacial, presque blancs. Ils me donnent l'impression d'être scruté tout entier, comme si elle cherchait à connaître les moindres détails de ma personnalité.

Tout à coup, je me rends compte avec horreur que je suis moi-même en train d'examiner chaque parcelle de son visage d'un œil agité, sans vraiment le vouloir. Et voilà que je me sens à nouveau rougir jusqu'aux oreilles. Je n'ose rien dire, mais nous continuons à nous fixer. Cette situation est vraiment ridicule. Oh, comme je dois être rouge, c'est affreux!

-Monsieur? finit-elle par répéter. Est-ce que vous désirez quelque chose?

Sa voix reste autoritaire et ça me déstabilise d'autant plus. Elle, elle n'a pas honte, et cela ce voit.

-Oui... je... heu...

Je me rends à présent compte que l'homme, avec qui elle discutait, est venu se joindre à elle. Il doit avoir la quarantaine et semble quelque peu plus sympathique que sa collègue.

-Vous êtes venu pour prendre une réservation? me demande-t-il alors gentiment, ne semblant même pas remarquer que je me trouve à ses pieds, assis bêtement au sol. On est fermé à cette heure-ci, normalement, mais ça ne fait rien. Venez donc à la réception, je vais inscrire votre nom.