Chapitre 2

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La lumière du jour innondait la pièce. Aliénor ouvrit un oeil mais le referma aussitôt. Il devait être tard car le soleil était déjà haut. Elle se décida tout de même à se lever et se plaça face à sa fenêtre. Ses pieds étaient nus et souffrait du froid recouvrant le sol. Aliénor grelotta et tira ses rideaux, elle découvrit un paysage tout blanc. Il était possible d'apercevoir le Tarn. Des morceaux de glace flottaient et se laisser emporter par le courant. Le ciel était bleu et le soleil battait son plein. 

La femme de chambre entra et commença à la vêtir. Aliénor se laissa faire mais avait la tête en l'air. La vieille assez tardivement, sa mère était venue lui rendre visite et lui avait expliqué qu'elle ne vivrait bientôt plus ici. En effet elle partirait d'ici deux mois à Versailles, lieu où rédisait son futur époux. De ce fait il avait été choisi qu'elle recevrait la plus stricte des éducations pour être la plus parfaite des jeunes filles. Aliénor n'était pas ravie à cette idée. Sa mère l'avait d'ailleurs réprimandé en disant que beaucoup rêvé d'y habiter, mais Aliénor n'avait rien demandé de tout cela. 

L'air était doux et la neige faisait un effet de pureté. Aliénor marchait en laissant de profondes empreintes. Jeanne qui la suivait et n'ayant toujours aucune idée du destin de sa soeur demanda:

-Pourquoi prenez-vous des leçons ? 

Aliénor sentit son coeur se serrer. Même cela ses parents n'avaient pas eu le courage de l'en informer.

-Je vais me marier.

Jeanne la regarda d'un air ahuri. La plus grande continua de marcher dans la neige, laissant la plus jeune encore sous le choc.

Elle allait vers le Tarn. Le niveau d'eau avait beaucoup monté et l'on voyait passer des branches d'arbre ou des troncs vagabondant au fil du courrant.

Aliénor s'arrêta sur la rive et regardait fixement le fond de la rivière. Jeanne, dont la surprise était passée, rejoint son aînée. Elle essaya de courir malgré la neige et ses jupes qui la faisaient trébucher plus d'une fois. Elle regarda désespérément Aliénor dont les yeux étaient toujours fixés vers le fond.

-Dîtes moi que tout cela est faux ! Vous, être mariée si tôt ? Mais avec qui ? 

-Le duc de Limons... répondit-elle d'une voix à peine audible 

-M-mais pourquoi ? 

Aliénor se retourna brusquemment, le visage innondé de larmes.

-Pour aider nos parents, je le rejoins à Versailles d'ici deux mois. Deux pauvres mois, qu'est-ce donc dans une vie ? 

Jeanne s'effondra à son tour, sans dire un mot de plus elles s'enlacèrent en s'agenouillant dans la neige.

******

-Un, deux, trois et quatre ! Mademoiselle, redressez-vous ! Vous devez être digne, être élégante et droite.

Aliénor exécuta tous les ordres de son professeur. La matinée s'était déroulée avec une leçon d'histoire, puis de latin et enfin de danse. Aliénor aurait aimé recevoir des leçons de sciences mais cela lui était catégoriquement interdit.

Aliénor n'en pouvait plus, elle ne supportait pas la monotomnie du morceau et encore moins ces aires baroques. 

Puis à la fin de la journée, Aliénor rejoint son père au salon qui lui présenta son cousin. Il était un peu plus âgé, dix-sept ans tout au plus.

-Votre cousin, dit M. de Montarly, il résidera ici pendant trois mois, son père est parti à Paris régler quelques affaires. 

-Et sa mère ? 

Aliénor se rendit compte de sa bêtise, et qu'il était mal placé de poser de tels questions. Elle s'en mordit les lèvres. 

-Elle est morte. répondit le principal concerné

-Oh... pardonnez-moi.

-Ce n'est rien. 

*******

Aliénor s'était accroupie derrière la balustrade et observait Ronan qui s'entrainait à l'escrime. Cela fasait deux semaines qu'Aliénor répétait ce stratagème à chaque fin de journées. Les cours d'arme lui étant formellement interdit, elle ne pouvait que discrètement admirer ce sport qu'elle admirait tant. 

-Nous en avons terminé pour aujourd'hui, vous progressez merveilleusement bien Ronan. lui annonça son professeur

Il s'en alla laissant son élève seul dans la salle. Aliénor se pencha de plus en plus pour ne pas le perdre de vue. Il rangeait ses armes.

-Si vous aimez tant l'escrime, pourquoi ne point vous exercer ? 

Aliénor sursauta. Depuis leur dernière conversation, elle était très embarassée à l'idée de lui adresser de nouveau la parole. Son cousin l'intimidait fortement. Elle sentit le rouge lui monter.

-Croyez-vous que je n'ai pas perçu votre manège ? Mais ne vous inquiétez guère, je veux bien vous enseigner.

Aliénor quitta finalement sa cachette et bredouilla:

-Feriez-vous cela pour moi ? 

-Et pourquoi ne le ferais-je pas ? 

Ils échangèrent un regard complice et les leçons débutèrent dès le lendemain. 

-Aliénor ! 

Elle lui avait effleuré l'épaule.

-Je suis désolée, là n'était pas mon désir de vous faire du...

Il profita de son inattention pour la désarmer.

-Ha ! Voilà pourquoi les armes ne sont pas faîtes pour les femmes, elles sont trop bavardes et sensibles...

Piquée au vif, Aliénor sauta sur le côté pour attraper son épée qui gisait au sol.

Ronan eut sa pointe sous le nez sans avoir même pu riposter. Aliénor enchaîna:

-On devrait aussi l'interdire aux hommes, du moins aux hommes prétentieux de votre genre, ils se réjouissent bien trop vite de leur victoire. 

Son cousin sourit, il était surpris de s'être fait vaincu mais devait reconnaitre qu'il faisait face à un adversaire de taille.

-Vous m'avez peut-être un peu trop observer Mlle de Montarly.

Aliénor rougit sous ce compliment. Elle commençait à mieux connaitre son cousin et cela la rendait heureuse. 

*****

Cela faisait un mois et demi qu'Aliénor supportait ses leçons de danse toutes plus abominables les unes que les autres. Mais ce n'était rien face à ceux de broderies où la jeune fille désirait rejoindre le Divin plutôt que de se planter pour la enième fois l'aiguille dans l'index. 

Mais ce jour-ci était spéciale, puisque sa mère avait fait venir des couturiers pour lui confecter de nouvelles tenues. Il lui en faut au moins une trentaine et surtout pour les futures soirées à Versailles. Aliénor était quelque peu ennuyée qu'on dépensât autant d'argent juste pour elle. D'autant que ses anciennes tenues, certes un peu défrichées, lui convenaient tout de même très bien. Mais Versailles était le palais du luxe, il était impératif de resplendir si on voulait éblouir

Aliénore, Demoiselle à VersaillesWhere stories live. Discover now