Chapitre 4. La nuit au motel.

Depuis le début
                                    

Il posa son sac à dos sur l'autre lit, lorgna du côté de la salle de bain. Il revint à son sac, l'ouvrit, en tira un jean et un t-shirt d'une couleur douteuse, hésitant entre le vert pâle et le bleu délavé, tout chiffonné. Puis il entreprit de se déshabiller là, comme ça, sous mon nez, alors que deux minutes plus tôt, il flippait à l'idée d'entrer dans la piaule ! Avait-il déjà confiance en moi à ce point-là ? Était-il inconscient ou complètement désinhibé ?

Plus il ôtait, plus mon cœur battait la chamade. Il enleva sa chemise mouillée puis le t-shirt d'en dessous. Je découvris qu'il avait les deux tétons percés avec des anneaux. Je faillis me mettre à hoqueter devant la vision.

Ensuite, il mit plus de temps à se débarrasser de son jean, qui collait, et de son boxer, mais je finis par apercevoir sa verge, longue, épaisse et... pourvue d'un piercing elle aussi, sur le gland rose et lisse. Merde ! C'était déroutant, et ça commençait même à m'exciter. Pourtant, je ne bandais pas. Il avait un beau corps ferme, sans muscles dessinés, mais apparents tout de même. Il dut sentir mon regard sur lui, car il tourna ses yeux si mobiles vers moi. Je me donnai une contenance en m'attaquant à mes propres habits mouillés.

— Les piercings, ça plaisait aux clients et ça leur permettait de m'attacher par-là, jeta Jody, presque négligemment.

— Si... Si tu les aimes bien, tu peux les garder mais si ça te pèse, tu es désormais libre de les enlever, énonçai-je.

— En bas, ça s'appelle un Prince Albert, m'apprit-il. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire, ajouta-t-il en effleurant sa queue.

— Ok, fis-je, les joues chaudes, tout en continuant à me désaper, pour ne garder que mon boxer. Tu sais que tu peux te déshabiller dans la salle de bain ?

— Elle est petite et je ne veux pas m'y enfermer, expliqua-t-il. Je n'aime pas être enfermé quand je ne connais pas. Est-ce que je pourrai laisser la porte ouverte pendant que je me doucherai ?

— Comme tu veux, Jody, si ça peut te rassurer. Mais il faudra quand même fermer le rideau de douche pour ne pas noyer les lieux.

— Oui. Oui, bien sûr.

Jody lâcha ses fringues trempées sur le tapis et se dirigea vers la salle de bain. Sa queue tressautait à chaque pas. Je m'avançai pour ramasser ses affaires et les mettre avec les miennes. Je me demandais si le plus simple finalement n'était pas de toutes les emmener dans la buanderie de l'hôtel. Oui, sûrement.

— Laisse, je m'en occuperai tout à l'heure, dit Jody en désignant le linge.

— Nous irons ensemble les laver et les sécher, suggérai-je.

— Ok.

L'eau coula deux secondes plus tard et j'attendis qu'il ait terminé pour me doucher à mon tour. J'évitai de toutes mes forces de songer à son corps, son visage et ses piercings. Ces derniers me perturbaient autant qu'ils m'attiraient. Ça paraissait sympa, sexy mais l'usage qui en avait été fait me donnait la chair de poule.

Quand Jody revint, la peau rougie par la chaleur de la douche, il se séchait en même temps, et je vis qu'il n'avait plus ses piercings. Il ouvrit la main, et les fit tomber sur son couvre-lit. Un, deux, trois.

— Je les mettrai au container tout à l'heure, décida-t-il. Pas dans la poubelle de la salle de bain. Je ne veux pas qu'on les voie.

— Tu es sûr ? l'interrogeai-je. Que tu veux t'en débarrasser, je veux dire ?

— Oui, répondit-il d'une voix ferme. J'ai réfléchi. Si j'ai à nouveau envie d'en avoir, j'en achèterai d'autres.

— Tu as raison, approuvai-je, en songeant que j'avais fait la même chose avec mes vêtements. On pourra même voir pour te procurer de nouveaux habits.

Il acquiesça, avant de jeter la serviette et d'enfiler un boxer et son t-shirt miteux. Je pris sa place dans la cabine encore fumante et je me délectai de l'eau qui me réchauffait. Une fois habillé, je descendis à la buanderie. Il fallait en profiter, il avait cessé de pleuvoir. Je mis notre linge à tourner. Jody avait tenu à m'accompagner et il observait le mouvement des fringues derrière le hublot, l'air hypnotisé.

— Ça te dirait, du fast-food chinois, ce soir ? proposai-je en m'appuyant contre le mur.

— Excellente idée, s'écria-t-il, et un sourire éclaira son visage pour la première fois, tandis qu'un éclat soudain irradiait dans mon ventre. Mais... Tu viens de payer la machine à laver et le gobelet de lessive, ajouta-t-il en se rembrunissant.

— Laisse tomber, lui enjoignis-je. Et pas de merci, tu ne peux pas faire autrement. Ok ?

— Ok, m'accorda-t-il, après une hésitation.

Une fois le linge lavé, séché, et plié, nous nous mîmes en quête de la nourriture chinoise promise, que nous trouvâmes en centre-ville. Nous parlâmes peu mais de sujets légers, comme nos équipes de base-ball préférées, ou les séries que nous aimions. J'avais deux ans de retard à ce propos, et Jody entreprit de les rattraper en me racontant les meilleures à ses yeux.

Quand nous sortîmes, vers dix heures, Jody avisa un container. Il souleva le couvercle et lança ses piercings, qui brillèrent un instant sous le lampadaire.

Je dormais profondément quand un cri navré me tira du sommeil. Le jour était levé et se glissait sous les rideaux. En plus, il avait l'air de faire soleil. Je baillai, me redressai sur un coude pour observer Jody. Il avait quitté son lit, en t-shirt et boxer, et se tenait au bout, l'air pétrifié. Je fronçai les sourcils et il se figea un peu plus. Son caleçon blanc me parut trempé.

— Je suis désolé, exhala-t-il. J'ai... J'ai pissé au lit, déplora-t-il avec une expression très gênée.

Au début, je ne sus pas quoi dire. Comment avait-il fait son compte pour ne pas sentir son envie, se réveiller et se rendre aux chiottes ? Est-ce que son sommeil avait été trop profond ? Est-ce qu'il avait une maladie ? L'énurésie, ou un truc comme ça ? Oui, ça s'appelait l'énurésie. Jody se mit à frotter son pouce et son index. Alors je réagis.

— Du calme, déclarai-je. C'est pas grave. On va juste enlever les draps. On sera sûrs au moins qu'ils seront lavés, tentai-je de plaisanter, mais je ne recueillis qu'un visage bouleversé.

— Je ne veux pas t'attirer des ennuis ou... te... te dégoûter, Len.

— Il n'y a pas mort d'homme, mec. Par contre, il va falloir que tu rinces ton boxer, pour que ça ne sente pas dans la bagnole.

— Tu m'emmènes toujours ? s'enquit-il d'une petite voix.

— Ouais, mais ne t'avise pas de faire pareil sur mes sièges.

— Je suis toujours un homme, Len ?

— Évidemment ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu souffres d'énurésie ?

— Non, ça m'arrive très rarement, je t'assure, se récria-t-il.

— Qu'est-ce qui provoque ça ?

— Les cauchemars, lâcha-t-il. J'ai rêvé que mes demi-frères me retrouvaient.

— Ce ne sont pas tes demi-frères, répliquai-je, mais des ordures. Et ils ne peuvent pas te retrouver, parce que tu n'as nulle part où aller. Et tu ne connais personne, je me trompe ?

— Non.

— Et même s'ils ont relevé ma plaque d'immatriculation, je ne peux pas être tracé, je n'habite plus chez ma mère, elle ignore où je suis. Alors ils ne savent même pas par où commencer. Et s'ils me retrouvent, une fois mon installation faite, je serai loin, et toi aussi. Il faut les oublier. Et pour ça, on va continuer notre route. Prends une douche. Moi, je range, on prend le petit-déjeuner, et on se casse.


J'ai  conduit jusqu'à toi, roman édité, 5 chapitres disponiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant