Prologue

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"Je ne peeeeeux pas! Je ...je ... v ... v... vais ... f... f...faire ...une ... une ... bêtiiiiiiiise."

C'est donc en sanglots que m'accueillit ma cliente du jour, une jolie brunette à la taille fine, actuellement vautrée lamentablement dans ce qui aurait du être une robe de taffetas brodé et de dentelles.

"Elle est comme cela depuis dix minutes, elle ne cesse de réclamer que je fasse tout annuler! Alexia, je vous en supplie, il faut trouver une solution!", s'exclame, la réplique de ma cliente avec trente ans de plus au compteur. Mère et fille était de très joli bout de femme mais coté solidité des nerfs, elles avaient loupé le coche.

De fait, l'heure était grave.

Voir ruiner en trente seconde, les deux heures de travail d'une esthéticienne et d'une coiffeuse hors de prix? Fait.

Voir s'écrouler huit mois de préparatifs à quinze minutes du lancement des festivités? Fait et refait.

On ne faisait pas mon métier sans connaitre des obstacles de dernières minutes. La pression atteignant son paroxysme, je voyais nombre de mes clients s'écrouler à quelques minutes de leur grand "Oui !". Et n'en déplaisent aux stéréotypes ayant la vie dure, cela pouvait tout aussi bien concerner Monsieur que Madame.

Je regardais les trainées de mascara maculer les joues de la mariée avec stoïcisme. Dans exactement 13 minutes et 39 secondes, cette demoiselle échevelée et hirsute devait entrer drapée dans sa robe virginale, parcourir d'un pas léger et aérien l'allée qui la mènerait auprès de son fiancé et futur époux , un sourire heureux et comblé sur son visage savamment mis en valeur. Facile!

Si il m'arrivait d'espérer ce genre de dénuement à certains couples, aussi mal assorti que Laurel et Hardy, et dont je savais d'expérience prévoir le nombre de mois (à la semaine près même) que durerait leur union, ce n'était clairement pas le cas pour Julie et Steve. Ces deux là étaient des personnes profondément gentilles, ouvertes et attachantes. Ils méritaient de tenter de finir leurs jours ensemble. Avec de préférence trois enfants souriant de toutes leurs dents sur les cartes de vœux qu'ils ne manqueraient pas de m'envoyer chaque année.

Certains étaient fait pour se marier d'autres pas. Je me chargeais juste de rendre ça le plus inoubliable possible. Je ne faisais pas dans le servie après vente, Dieu merci! Au vu de ma vision de ce qu'était une histoire d'Amour acceptable, j'entends par là une nuit de folies passée avec un corps sans nom et plutôt doué pour les activités taboues, il ne valait mieux pas.

Je vérifiais machinalement qu'aucunes mèches brunes ne s'échappaient de mon chignon. Parfait comme toujours. Cette constatation m'apportait ce qu'il me fallait de calme et de confiance pour faire face à n'importe quelle situation, aussi compliquée soit-elle.

"Julie, regardez moi!", dis je fermement.

Au diable, le ton doux et agréable, le sourire de connivence et l'amabilité que je ne quittais jamais, même en présence des personnes en lisse pour le titre "des mariés les plus casse pied du siècle". Cela faisait partie de mon savoir-faire, cette attitude policée entérinait la confiance que me témoignaient mes clients et me permettait d'éviter des heures vaines de négociations. Et dans les situations d'urgence comme celle-ci, laisser tomber le masque déstabilisait les plus récalcitrants, les incitant à écouter et à me prendre au sérieux. J'étais machiavélique? Oui sans aucun doute, mais pouvait-on me reprocher d'utiliser tous les moyens à ma disposition afin de préserver le bonheur de génération d'amoureux?

Une fois encore mon changement d'attitude porta ses fruits. Julie me regardait à présent, les larmes toujours au bord des cils et des sanglots secouant ses frêles épaules mais elle en oubliait de s'apitoyer sur son sort.

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