Deux

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Je branchée à un tas de machines, une aiguille reliée un cathéter orne le creux du coude de mon bras droit. Ce dernier me fait manger par le biais d'un liquide qui contient les protéines nécessaires à ma nutrition. Je m'assied sur mon lit et me regarde dans le reflet de la fenêtre d'en face. Je suis pitoyable. Mes mèches blondes encheveulées, mes yeux gris entourés du noir de mes cernes, mes joues creusées par ma maigreur, mes lèvres de couleur violette me font comprendre ce qu'il se passait: j'ai encore fait une rechute de poids. Cela m'est déjà arrivé des tas de fois mais je ne me suis jamais senti aussi faible qu'aujourd'hui, quand cet instant dans cette chambre dénuée de charme, à l'hôpital d'une ville au milieu d'un pays sur la Terre. Je suis seule, ma mère a dû partir et pour se consoler elle a dû boire. Mais mes pensées sont obnubilées par une autres personnes, ce garçon. J'ignore pourquoi mais je ressens le besoin de le revoir, de connaître son nom, de le connaître lui. Après plusieurs heures à réfléchir, j'aperçois un gros pansement légèrement tâcheté de rouge sur mes veines, et là je me rends compte que j'ai confondu mes souvenirs, je n'étais pas avec mes amis en train de rire, j'étais assise sur mon lit tenant un couteau à la main et m'entaillant un par un les tuyaux dans lesquels coulait mon sang. Je me suis demandé si j'étais la victime ou le bourreau. J'ai préféré répondre que j'étais la victime tout ça parce que je n'avais pas envie de m'avouer que j'étais coupable. Coupable du fait que ma mère ramène un homme différent chaque soir, coupable du fait qu'on ne soit pas heureuse, coupable du fait que ma vie soit un vrai fiasco. Des larmes débordent de mes yeux sans vraiment en être la responsable. Une infirmière toque à la porte de ma chambre et j'essuie discrètement ces petites gouttes d'eau salée. Suivi d'un médecin elle entre et se poste au pied de mon lit. Le médecin me fait passer plusieurs examens et après une matinée à passer de salle en salle, je retourne dans mon lit de résidence pour les jours à venir. Dans l'après-midi je reçois la visite d'un psychologue. Un vieux au crâne dégarni, aux rides très très apparentes et aux lunettes tombant sur le bout du nez. Je ne lui ai rien dit pendant une heure, il a fini par en avoir marre et il est parti. J'ai la chance d'avoir mon téléphone mais au boût moment cela commence à être lassant de traîner sur les réseaux sociaux, de jouer aux jeux, d'écouter de la musique. Les plateaux-repas arrivent, lorsqu'on le pose devant moi, je le fixe. C'est une soupe à l'aspect extrêmement douteux, un pauvre bout de pain séché, du sucre et un yaourt nature. La seule chose qui me donne envie c'est le sucre. Je prends le petit paquet et ouvre l'emballage, renverse la tête en arrière et les petits grains blanc viennent fondre sur ma langue. Je regarde la pendule lorsqu'un infirmier vient récupérer le plateau, il est dix-huit heure quarante cinq passé. Ma mère n'a pas daigné se déplacer pour venir me voir, cela ne me surprend pas mais me blesse. Je repense au sermon du docteur, que je dois reprendre du poids, que ce n'est pas en me tranchant les veines que je serais heureuse, que ce n'est pas une vie, que je dois changée. Mais pour changer il faut de la volonté. Et si j'ai perdue cette volonté, comment est-ce que je fais ? Voici la véritable question que je me pose. Souvent on me dit
"Bah il faut la ranimer !"
Très bien, d'accord, comment ?
Aha ! Voilà ! Ici tous ces gens bloquent, à cause de ce pauvre mot qui prend un sens différent selon le contexte dans lequel on l'utilise. Un haussement d'épaule pour eux est une réponse, ce n'est pas le cas. Sur cette réflexion intense je plonge dans un rêve remplis de promesse, d'amour, de bonheur. Tous se que je n'ai pas.

~Anorexie~Where stories live. Discover now