Distraction

Depuis le début
                                    

-Manchester a remporté trente victoire alors que les Red Scousers Merseysiders n'en ont que vingt-trois depuis le début du championnat.

J'aime cette conversation. Elle est fluide, aussi naturelle que deux personnes qui se connaissent depuis toujours.

-Je suis supportrice de Manchester depuis que je sais marcher. Tes arguments ne vont rien changer.

-Ah bon? Je n'ai pas remarqué, ironise-t-il.

Il ose me piquer, je l'imite : 

-Attention Adam. Ta chemise ne sera pas la seule chose que je vais tâcher.

-C'est une menace? 

-Un avertissement. Il y aura d'autre victime. 

-Tu penses à qui, meurtrière? 

Bêtement, je le regarde dans les yeux. Et je redescends aussitôt mon regard. C'était quoi ça? J'ai vu une flamme dans son regard. Ses pupilles noires étaient habitées par une lueur brûlante, ardente. 

-Je ne sais pas, je réponds, complètement perturbée.

Je continue de nettoyer sa chemise, même si les tâches de vin sont presque effacées. J'ai les joues rougies par la chaleur, par le scintillement indescriptible dans son regard, par notre proximité. La distance entre nous est plus fine. Inconsciemment, naturellement, nous nous sommes rapprochés. Comme deux aimants.

-Il faudrait qu'on aille se voir un match de Liverpool contre Manchester, je lui propose. Tu vis où?

-Je suis à Londres. Je vais y rester un moment puisque j'emménage avec ta sœur. 

-J'habite aussi à Londres.

Nous habitons dans la même ville. Nous n'allons pas être séparés par des kilomètres de distance. Malgré les protestations de mon esprit, je veux le sentir près de moi, je veux le connaître, je veux croiser son regard. Je le veux. Et c'est horrible.

-On pourrait essayer de se voir, me propose-t-il. Pour mieux se connaître. 

-Oui, c'est une bonne idée.

Toutes les tâches ont disparu sur sa chemise depuis pas mal de temps. J'arrête mon mouvement pour ne pas qu'il pense que je profite de la situation. Pourtant, je laisse une main sur son torse.

-Merci, murmure-t-il dans un souffle.

-Je crois que j'ai réparé ma bêtise.

-C'était rapide.

Trop rapide?

-Oui, je confirme.

Il est temps d'interrompre notre échange inapproprié. Je baisse ma tête pour ne pas croiser son regard. Je m'écarte de son corps à contrecœur. J'efface notre proximité.

Quand je me lève, Adam glisse sa main autour de mon poignet.
Ses doigts prennent possession de ma chaire. Sans contrôle, je frissonne, encore.

-Attends, souffle-t-il.  

-Oui?

La lueur renaît dans ses prunelles sombres. Dans le silence, nous nous regardons longuement. Je peux entendre mon cœur battre à toute allure dans ma poitrine, je peux lire cette inexplicable attraction dans ses yeux.

J'attends un geste de sa part. Il attend une réponse. Notre échange nous fait tout oublier. 

-Ma petite puce? Je voudrais savoir où sont...

Une voix résonne. Une voix résonne?! Je m'écarte brutalement d'Adam, l'atmosphère tendue disparaît instantanément. Ma grand-mère finit sa phrase, la bouche grande ouverte:

Il Était TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant