Chapitre 3. Loan.

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- Vous n'aurez qu'à dire que je suis un ami de Loan, rétorquai-je, en lorgnant vers l'intéressé. Laissez-moi deviner. C'est votre mari qui a fait cela ?

- Je sais que les rebouteux sont tenus au secret, avança-t-elle.

- Pas s'il y a maltraitance, répliquai-je. Vous devriez prévenir la police et faire examiner votre fils. Je suppose que vous avez évité le médecin pour protéger votre mari ?

- Non ! s'écria-t-elle. Loan n'a pas voulu prévenir qui que ce soit. Il est majeur, il fait ce qu'il veut.

- Écoutez, dis-je sur un ton patient. Nous autres guérisseurs sommes là aussi pour conseiller. Se taire n'est jamais une solution. Voulez-vous que la prochaine fois soit pire, voire irréversible ?

- Non ! Bien sûr que non !

- Alors contactez les autorités et demandez un examen médical à votre médecin, insistai-je.

- Notre médecin ne croira plus à une énième chute ou à une autre rencontre avec des jeunes violents, argua-t-elle.

- Je n'ai pas la prétention de remplacer les docteurs et leurs machines. Ça ne marche pas comme ça, répliquai-je. Nous sommes juste complémentaires. Je soigne des douleurs précises. Déjà confirmées par un spécialiste. Si tu as quelque chose de grave, Loan, dis-je en fixant l'intéressé, et mon cœur accéléra ses battements, tu joues avec ta vie. Imagine que tu aies un épanchement de sang au cerveau, et que personne ne vérifie, que je ne dis rien, qu'est-ce qui va se passer ? Pour toi ? Pour moi ? Je ne pourrai pas vivre avec ça. C'est de la non-assistance à personne en danger, merde !

- Pouvez-vous au moins soulager Loan en attendant ? demanda Gaelle d'une petite voix. Je vous promets de prendre rendez-vous et de prévenir la police, décida-t-elle, vaincue par mes arguments.

- C'est le mieux à faire, soufflai-je.

- Je sais, soupira-t-elle.

J'étais en colère. La peur empêchait cette femme de protéger correctement son fils. Un fils passif, trop sans doute, habitué qu'il devait être à la situation, au point qu'il n'essayait même pas de sauver sa peau. Un fils qui ne me quittait pas des yeux et son regard intense me troublait au-delà des mots. Loan. Il s'appelait Loan. C'était doux, c'était mon évidence. Si vite ? Trop vite. Je m'efforçai de me concentrer uniquement sur le problème.

- Déshabille-toi, ordonnai-je d'une voix rauque. Je veux dire, enlève le haut, précisai-je.

Loan obéit et grimaça au moment de faire passer son t-shirt par-dessus sa tête. Je sursautai. Son corps portait de nombreuses traces, plus ou moins anciennes, selon leur aspect, leur couleur. Sa peau était dévastée. Bon sang, même Niallan ne me maltraitait pas comme ça, loin de là ! Nouveau coup d'œil de ma part à Gaelle Lezurec qui rougit. Loan, lui, me contemplait toujours.

- Où... Où as-tu mal ? m'enquis-je, après avoir dégluti, et en essayant d'ignorer la finesse et l'élégance de son torse.

- Dans les côtes, là... et là, précisa-t-il en me montrant des ecchymoses sur ses hanches.

J'avançai les mains en tremblant. Ce que sa peau était douce ! Je sentis que je devenais écarlate. J'avais chaud et froid. Et ses yeux ! Je m'y noyai, tandis que l'eau familière sortait de mes mains pour soulager de sa fraîcheur les meurtrissures de Loan. Je me repris, toussai, fronçai les sourcils. Il fallait que j'impressionne la mère pour qu'elle fasse ce qu'elle avait promis.

- Je répète que je ne remplace pas le médecin, assénai-je.

Ensuite, je passai les mains sur son cou, puisqu'il se plaignait d'un torticolis, qui devait plutôt être un mauvais coup sur les vertèbres. Dangereux, bien sûr. Je frémis. Il aurait pu rester paralysé. Il le resterait peut-être si ça recommençait. Son image se superposa avec celle de Sylvain, le petit ami de Niallan, qui était paraplégique. Je l'avais très peu rencontré, mais son fauteuil m'avait à chaque fois remué. C'était un sale coup du destin pour un garçon si gentil. Il ne méritait pas ça. Loan ne méritait pas ça. Personne ne méritait ça.

Le jour et la pluie, roman édité, trois chapitres disponiblesWhere stories live. Discover now