Chapitre 2. Sylvain.

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Journal de Niallan.

C'était plus que je ne pouvais en supporter. Nos parents congratulaient mon frère cadet, Sacha, qui venait de leur dire qu'il était gay. Ne pouvait-il pas garder ça pour lui ? J'estimais qu'il s'agissait de quelque chose de tellement intime que la notion même de coming out me dépassait. Pourquoi parler de sa vie sexuelle à ses parents, qu'elle soit homo ou hétéro ? Il était même dangereux à mes yeux de présenter la personne avec laquelle on souhaitait faire sa vie. Bien souvent, les mères détestent celui ou celle qui va leur prendre leur enfant. Et ces tensions durent, durent...

Je ne pensais pas que ma mère aurait été du genre à rejeter mon compagnon ou le futur compagnon de Sacha, cela dit. D'ailleurs, elle n'avait pas rejeté Sylvain. Mais elle tenait tellement à la transmission du don qu'il était inutile de la blesser en parlant de notre homosexualité. Dans ce genre de cas, il vaut mieux que l'illusion tombe le plus tard possible. Ma mère se doutait pour Sacha, mais se faire confirmer brutalement la chose n'avait rien d'agréable.

Si Sylvain n'avait pas été blessé, si je n'avais pas été obligé de me rendre à l'hôpital et de leur dire pourquoi j'y allais, jamais nos parents n'auraient su pour Sylvain et moi. Je ne suis pas de ceux qui se déversent, même sur les proches. C'est ainsi. Pour paraphraser mon très cher cadet, je suis comme je suis.

Avec ce journal, étrangement, les mots coulent tout seul, je me confie, je me livre, je me délivre de tout ce que je retiens devant les gens. C'est pour ça que je ne me vois pas le donner à Sacha. Peut-être que je vais lui fournir une version très édulcorée.

Énervé, je quittai la salle de séjour. Puis la maison. Marcher, respirer. Je savais ce qui me calmerait, ce qui m'avait toujours calmé. Sylvain. Bien sûr. Qui d'autre ? J'aurais tellement aimé m'installer avec lui mais il avait peur, ses parents avaient peur. Tout le drame était là, dans cette crainte qui les gouvernait depuis l'accident. Ils couvaient leur unique fils.

J'avais connu Sylvain au lycée, en seconde, un an avant le drame. Sylvain était physiquement mon opposé, aussi blond que j'étais brun, les yeux aussi bleus que les miens étaient sombres. Mon contraire, mon tout. Je l'avais su, il l'avait su dès la rentrée, dès le premier jour dans cet établissement et dans la même classe.

Nous n'avions pas pu nous quitter du regard. À la pause, nous nous parlâmes naturellement, comme si nous nous étions déjà connus et que nous nous retrouvions. Nous échangeâmes sur nos goûts respectifs tout en nous dévorant des yeux. Bien à l'abri derrière la haie séparant le bahut du terrain de sport.

Nous ne pouvions nous passer l'un de l'autre et nous trouvions toujours une cachette, un coin à nous, que ce soit au bahut, chez lui ou chez moi. Nous évitions les heures où les autres membres de nos familles pouvaient nous voir.

Au lycée, je volai à ma prof de sciences les clés du labo. L'administration lui avait fourni un double, une réprimande, rien de grave. Et Sylvain et moi nous avions un local pour nous retrouver. Je savais exactement quand y aller et quand ne pas y aller. J'avais réussi à me procurer les emplois du temps des deux profs de sciences. J'avais pris le classeur les contenant, j'avais fait deux photocopies.

Notre première fois, à Sylvain et à moi, se déroula un vendredi midi, sous le regard d'Oscar le squelette, qui n'irait jamais nous dénoncer. Sylvain était appuyé contre le plan de travail, ses cheveux blonds ébouriffés, les joues rouges, ses yeux clairs tout brillants. Il était beau, si beau. Lors de notre séance précédente, j'avais pris nos deux sexes rigides et je les avais frottés l'un contre l'autre jusqu'à ce que nous jouissions, les yeux dans les yeux. Ça nous avait donné envie de nous explorer davantage.

Le jour et la pluie, roman édité, trois chapitres disponiblesWo Geschichten leben. Entdecke jetzt