Chapitre 1. Frères ennemis.

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— Tu as pensé à papa et à maman ?

— Ne t'en fais pas, ils comprendront toujours plus que toi, va, ricanai-je. Ils ont deux fils gays et alors ? Je sais qu'ils m'aimeront toujours, autant qu'ils t'aiment toi. Toi qui te cache pourtant pour rencontrer ton copain ! Moi, quand j'en aurai un, je ne me cacherai pas.

— Je me doutais de ce que tu allais faire, soupira Niallan. Lorsque tu es sorti de ta chambre, avec cet air sur le visage, j'ai su ce que tu avais décidé.

— Et tu m'as traîné dans le jardin en t-shirt pour m'en coller une, reprochai-je. En plein mois de mars !

— Pourquoi maintenant ? éluda Niallan, qui restait fixé sur son idée. Pourquoi leur dire maintenant ?

— Le fait d'avoir commencé mon journal m'a aussi donné l'envie de ne plus le cacher à nos parents, répondis-je. Et qu'est-ce que ça changera, que je leur dise aujourd'hui ou dans dix ans ? Pour eux, rien. Pour moi, tout. J'en ai marre de me taire pour toi, et pour la récompense que j'en ai, reniflai-je.

Mon frère se pinça l'arête du nez. Il se retenait visiblement de m'en mettre une autre, ce sale égoïste. Et moi, j'aurais voulu lui demander, d'une petite voix de gamin, parce que j'étais triste, parce que j'avais mal au cœur : pourquoi tu ne m'aimes pas, Niallan ? Pourquoi ?

Je n'avais pas l'espoir que nos rapports changent et s'améliorent. Je n'étais pas digne de son amour. Depuis toujours. Terrible constat, qui faisait que parfois, je n'avais pas confiance en moi et que je le cachais sous une façade extravertie et des couleurs exubérantes, qui finissaient par me remonter le moral. La blessure laissait échapper un sang multicolore qui me soulageait.

Notre histoire, c'était les coups. Ça l'avait toujours été. Je me souvins tout à coup du jour où Niallan avait appris que j'étais comme lui. Homo. J'avais treize ans et lui quinze. J'avais conscience depuis un petit moment que je me retournais plus sur les garçons que sur les filles de ma classe. J'avais déjà les cheveux mi-longs et ça l'irritait au possible. Mais moi, je me trouvais beau comme ça.

Nous étions au bord de la mer et deux types de l'âge de Niallan s'étaient mis en tête de se moquer de moi, de mes fringues voyantes, pour faire rigoler un groupe de nanas. Et pouvoir les peloter après, sûrement. Mon frère arriva, entendit les remarques. Ça se voyait qu'il ne pouvait pas résister à l'envie de tabasser ces deux ados arrogants. Les filles gloussaient toujours.

Niallan me fit signe et je savais ce que ça signifiait. Nous nous mîmes en position de défense. Nous étions pour une fois unis contre un ennemi commun, j'étais prêt à tout pour que cet instant perdure, pour que mon frère reste à mes côtés, même si je savais qu'il ne faisait pas ça pour moi.

— Eh ! Stop, je ne veux pas me battre contre la fille ! Je voulais juste m'amuser, dit le premier mec, dans un sursaut de galanterie mal placé.

— C'est mon frère, pas une fille ! s'insurgea Niallan, rouge de colère. Connard !

— Eh, mec, tu veux voir quel genre de fille je suis ? l'apostrophai-je.

Je soulevai mon t-shirt pour bien montrer mon torse plat puis je défis la boucle de mon ceinturon, baissai mon pantacourt et, dans un grand éclat de rire, exhibai devant l'adversaire mes bijoux de famille, avant de tout remonter en me fendant la poire.

En face, l'autre passa par toutes les couleurs. Il lâcha ensuite une belle série d'insultes, dont pédé, bien sûr, prit le bras de son copain et ils s'en allèrent, avec une expression choquée sur le visage. La tête de mon frère ne valait pas mieux, cela dit.

— Sacha ! rugit mon frère. Tu peux m'expliquer ce qui t'a pris ?

— Il fallait bien les faire fuir, non ?

Le jour et la pluie, roman édité, trois chapitres disponiblesWhere stories live. Discover now