1. Introduction

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1. INTRODUCTION

La poule, cette inconnue, n'occupe pas dans la littérature technique la place qui lui revient. Les études antérieures au traité qu'on va lire, comme en témoigne la synthèse récente de Hahn et Lecoq (1982), ou celle de Danchin (1983) n'ont pas appréhendé le sujet dans toute sa complexité. Des aspects fondamentaux sont trop souvent passés sous silence, comme le problème de l'âme de la poule, la lexicographie indo-européenne comparée pour n'en citer que deux. Malheureusement, la méthodologie impose que les problèmes doivent nécessairement être sériés même si cette façon de faire occulte quelque peu l'unité fondamentale de la poule.

 La présente étude se veut scientifique, c.à.d froidement objective et strictement phénoménologique. La juxtaposition hâtive d'hypothèses, pour séduisante qu'elle puisse paraître, ne conduira jamais qu'à un édifice instable qui ne manquera d'entraîner ses auteurs dans sa chute. Ce point mérite d'être illustré par un exemple: l'existence du lait de poule, attesté des le 13è siècle chez Hildegard von Bingen (galli lactum ou ornithogalum; cf. les études de Hans Schnapps, 1913) a fait conclure à Poppy et à Cock (1927) que la poule était encore un mammifère à l'époque historique. Vers la même époque, les premières études spectroscopiques de la voie lactée révélaient la présence de lactose (Bec et Bunsen, 1932). C'est au congrès de Copenhague que divers participants rapprochèrent les deux observations qui précèdent. De lactose (f. latine) on glissa à glucose et galactose (f. grecque) puis à galaxie, de lait à vache et de vache à bœuf. L'ancienne constellation des Sept Bœufs (septem trionem) fit conclure à la généralité du mythe nordique de la Grande Mère Poule. L'auteur n'exclut pas l'existence de la Mère Poule, attestée par ailleurs dans nombre de civilisations , mais les connotations cosmiques sont désormais jugées douteuses par la plupart des auteurs sérieux qui préfèrent voir dans la Mère Poule un mythe aquatique (l'argumentation est complexe; elle repose essentiellement sur la découverte de la laitance du cabillaud). Le lecteur intéressé est renvoyé aux travaux de Schwindel (1978).

La présente introduction n'échappe pas à la problématique de tous les préfaces, prologues et autres avertissements qui, tout en introduisant le sujet, considèrent néanmoins comme acquis des résultats ultérieurs. De même, les références horizontales étayent la structure de l'exposé, la stucture étant par définition l'ensemble des relations entre les éléments d'un ensemble. Après une première lecture, les non-spécialistes (étudiants, ornithologues non globalistes, marchands de frites) sont invités à reprendre le texte pour une étude plus attentive qui ne manquera pas de leur faire découvrir les sus-dites références horizontales. Ceci s'accompagne chez les sujets sains d'une satisfaction esthétique intense.

On ne saurait trop recommander l'étude de l'ornithologie globale aux jeunes enfants. Aussi les chapitres qui suivent s'adressent-ils au public cultivé en général. Toutefois, il ne s'agit pas de vulgarisation au sens ordinaire: la complexité du sujet ne le permet pas.

Le souci constant de l'auteur a été le déroulement logique et très progressif de l'argumentation. Sa seule ambition est d'avoir intéressé quelques personnes à l'étude grandiose de l'ornithologie globale, science admirable, qui, telle le pentagonalicositétraèdre (dit aussi, non sans humour, giroèdre) montre des faces différentes en fonction de celle sur laquelle il repose. Cette observation est d'une portée philosophique certaine; elle s'applique mutatis mutandis à tous les solides non concaves, pour autant que la verticale passant par leur centre de gravité ne s'échappe pas inopinément de la base de sustentation. Même dans ce cas, cependant, suivant les lois de la Relativité Restreinte, une bonne colle peut redresser la situation.

La digression qui précède n'est pas gratuite; elle illustre l'approche de l'auteur: à partir d'une observation simple on procède par analogie pour l'expliquer d'abord, la généraliser ensuite.

Le plan du présent ouvrage est donc le suivant: d'abord, la définition du cadre de l'étude, à savoir une brève introduction historique à la science de l'ornithologie globale elle-même (chapitre 2). Le chapitre 3 s'attachera à une description purement morphologique et objective de l'animal. A ce stade, le lecteur se contentera de cette terminologie approximative. En effet, il apparaîtra que la poule n'est pas sans analogie avec un légume, comme il sera montré dans le 5ème chapitre sur la psychologie et l'éthologie de la poule, sur sa vie sentimentale et sexuelle. C'est le seul chapitre à ne pas faire lire aux enfants, à cause de sa haute teneur morale et de la maturité requise. Dans l'expérience de l'auteur, l'objet du chapitre 5ème fait rigoler les gosses, ce qui montre bien qu'ils ne sont généralement pas à même de percevoir le vide existentiel à travers la pulsion qui pousse la poule et son coq à s'accoupler au plein milieu de la basse-cour.

Mais avant d'en arriver là, le chapitre 4ème se sera penché sur la question tant débattue dans les milieux spécialisés de l'origine de la poule, problème dont la grande presse s'est quelquefois fait l'écho. Quelques erreurs communes seront réfutées. L'auteur ne cache pas son intérêt tout particulier pour le sujet; on lui pardonnera ses auto-citations répétées.

A ce stade le lecteur aura acquis une base assez solide pour lui permettre d'entreprendre l'étude de la systématique de la poule (Chapitre 6), c.à.d. sa position évolutive dans le cadre des Ornithozoophytes sensu stricto.

Le chapitre 7ème étudiera les aspects sociologiques, socio- linguistiques et historiques. Et enfin, logiquement, on terminera par des considérations sur l'avenir du stupide gallinacé (chapitre 9).

Dans la meilleure tradition de la rigueur globalisante, on introduira le chapitre 8 entre le 7ème et le 9ème. On aurait pu l'intituler "La pratique de la poule", mais le sujet ne mérite qu'une attention limitée dans le cadre d'un ouvrage essentiellement théorique. Il est bon, en effet, pour que la Science Pure reste pure, qu'elle ne s'aventure trop sur le domaine des facultés d'agronomie.

L'auteur admet bien volontiers que le sujet de son ouvrage est ambitieux et que nul homme de science ne peut désormais se targuer de dominer l'ensemble de l'ornithologie globale. A côté de ses collègues immédiats, surtout les professeurs A. Laplume et Mme. Lebègue, de ses anciens étudiants et assistants qui ont fortifié ses vues par des échanges intellectuels incessants, l'auteur voudrait aussi remercier ses collègues étrangers, surtout S. Kotkodakoy (Moscou) pour sa trop bienveillante postface, A. Einei (Montevideo) et K. Eistein (Bielefeld). Ils ont bien voulu relire le manuscrit et portent donc certainement une part de la responsabilité des erreurs qui ne manquent pas de s'y être glissées. On leur pardonnera d'autant plus volontiers que Serge Kotkodakoy couvait une méchante grippe et que Adelina Einei déteste l'auteur pour avoir émis des doutes sur certains de ses résultats.

On permettra à l'auteur de terminer par un hommage tout particulier à Martin Prosper, le grand philosophe qui montra qu'en matière de sciences il ne suffit pas de ne pas être d'accord avec une théorie. Encore faut-il savoir la réfuter.

North Branford, Connecticut, et Javadpur University, Calcutta au printemps 1986

Thomas Cedric R.A.F.L Janomurkhah

Traité d'ornithologie globaleWhere stories live. Discover now