Prologue

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22 juillet 2015

Quatre jours. Ça fait quatre jours que je regarde la vie depuis ma fenêtre, assise sur ma chaise de bureau. Quatre jours que je passe à me demander ce qu'il me reste. Quatre jour que j'évolue dans un brouillard étourdissant.

Aujourd'hui, il faut que je sorte de ma torpeur. Aujourd'hui, on enterre mes parents. Ma maman, celle qui m'a bercée, celle qui m'a supportée à chaque épreuve, celle qui a toujours été là pour moi. Mon papa, celui qui me portait sur ses épaules pour que je puisse découvrir le monde, celui qui s'assurait que les garçons gardent leurs distances avec moi.

Je sais que, dans l'ordre des choses, les enfants doivent vivre la mort de leurs parents. Mais si tôt ? Alors que j'ai encore tant besoin d'eux ?

L'église est pleine à craquer de gens qui ont fait le déplacement alors qu'ils les connaissaient à peine. Des gens que je n'ai jamais vu de toute ma vie se précipitent dans mes bras et se sentent obligés de me dire à quel point mes parents étaient des personnes formidables. Comme si je ne le savais pas !

Je suis installée au premier rang, entre mes grands-parents maternels et Lucia Collins, la sœur de mon père. Il y a encore une heure, j'ignorais son existence. Pourquoi mon père m'avait-il caché qu'il avait une sœur ? Pourquoi ne me l'a-t-il jamais présentée ? Papa ne parlait pas souvent de sa famille, je n'ai jamais rencontré ses parents. A l'époque, j'avais supposé qu'ils étaient morts et que c'était encore difficile pour mon père d'en parler. Mais s'il a omi l'existence de sa sœur, peut-être a-t-il aussi menti à propos de mes grands-parents paternels ? 


Je ne sais pas si je serais un jour capable de parler d'eux ou même de penser à eux sans fondre en larmes. Rien ne sera plus jamais pareil, tout mon monde a été remis en question par ce tragique accident, comme ils disent.

J'ai passé les quatre derniers jours à pleurer, jen'ai plus de larmes en réserve pour la cérémonie. Et même s'il m'en restait, je ne suis pas sûre de succomber aux paroles du prêtre. Les discours sont beaucoup plus éprouvants. On m'avait demandé d'en écrire un mais je n'aurais pas eu la force de le lire de toute façon. Tout ce que j'ai à leur dire, ce n'est certainement pas ici que je leur dirais, au milieu de tous ces gens.

Dans les jours qui ont suivis, je suis restée coupée du monde à regarder des photos, dormir et pleurer. Mes grands-parents s'étaient installés dans la chambre d'amis mais rapidement, une nouvelle question s'est posée : qui allait s'occuper de moi ? C'est le juge des affaires familiales qui a tranchéet qui a décidé que je serais plus épanouie en vivant avec Lucia, la sœur de Papa. Seulement, Lucia vit bien loin de ma France natale, à plus de 6668 kilomètres pour être précis. A Chicago.


            L'idée de vivre aux Etats-Unis ne me déplaît pas, j'avais de toute façon prévu d'intégrer une école de musique américaine l'année prochaine. Ce qui me dérange, c'est le fait de faire ma dernière année de lycée là-bas. Je vais être obligée de quitter mes amies et tous ceux que je considère comme ma famille pour suivre une parfaite inconnue.

Si j'en crois les dizaines de séries américaines que j'ai regardées, j'aurais affaire à des pom-poms girls au QI d'une dinde, des footballers à l'égo de la taille d'un melon, des intellos boutonneux qui se font la course aux grandes écoles, des théâtreux qui ne vivent que pour leur représentation de fin d'année, des marginaux qu'on voit à peine. Sans oublier la chef de l'équipe des pom-pom girls et le capitaine de l'équipe de football, qui règnent sans pitié sur tout le lycée.

A choisir, je me mettrais dans les marginaux. Je préfère mille fois être invisible qu'être considérée comme « cool ». Je n'ai pas vraiment le choix si je veux rester concentrée sur mon objectif : intégrer l'école de mes rêves, la Berklee College of Music.

Game On {Sous contrat d'édition}Where stories live. Discover now