Editions Dédicaces (www.dedicaces.ca)

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Un jour, quelqu’un m’a posé la question suivante au détour d’une banale conversation :

– Dis-moi Stino pour toi, la vie vaut-elle vraiment la peine d’être vécue ?

C’était Daddy, mon petit-frère, ce bourlingueur devant l’éternel toujours en train de courir, et d’être embarqué dans des histoires très compliquées pour moi.

« Si la vie valait la peine d’être vécue hein, humm… ! ».

Quelque peu désarçonné par cette étonnante interrogation, je répé-tais machinalement cette phrase tel un automate, avant de marmonner tout seul en regardant mon interlocuteur.

– Hé Daddy, hâ bouéh kouâh mpanguîh ngué-mpéh , m’enquis-je ?

Je suis resté circonspect sans attendre qu’il me réponde, ne m’attendant pas du tout à une telle préoccupation de sa part. Des questions de cette nature, nous en débattions effectivement souvent lui et moi. Mais la plupart d’entre elles sont centrées sur la famille restée au pays et notamment sur Jeanne notre mère, sur André notre frère ainé au Gabon ou sur Pulchérie notre sœur habitant à Paris et sa petite famille, sur nos petites difficultés existentielles personnelles au quotidien, etc. Ce que nous venions d’ailleurs de faire quelques minutes auparavant. Or là, il ne s’agit ni plus ni moins que de la vie, dans un de ses fondements les plus significatifs.

Quoi lui répondre exactement alors puisque visiblement, il attend cela de ma part.

Il est vrai que quotidiennement et à chaque instant de notre existence, nous sommes toujours face à toutes sortes de préoccupations liées à la vie, sans être quotidiennement et à chaque instant de cette même existence confronté à ce genre de questionnement. Tous les jours pourtant et même quand nous n’y faisons guère attention, cette même existence se charge toujours pourtant de nous rappeler par tous les moyens, à travers ses bons souvenirs et son corollaire de problèmes, qu’elle est bel et bien là, toujours là, et plus que jamais là quoi que l’on fasse.

C’est ici alors que cette interrogation, la vie vaut-elle vraiment la peine d’être vécue, prend alors toute sa signification.

Je répétais plusieurs fois sa question en mon for intérieur, en ayant l’impression bizarre d’avoir déjà lu ou entendu quelque chose à ce sujet. En fait, il ne s’agissait-là que d’un fil conducteur me permettant de mieux circonscrire la pensée de mon interlocuteur.

C’est à ce moment-là précisément et curieusement, que ma tête sera instantanément submergée par un foisonnement d’images éton-nantes représentant des enfants en pleine récréation courant bruyam-ment dans tous les sens, avant que ne leur succèdent le brouhaha d’une bande de jeunes filles à l’allure espiègle dans cette même cours de récréation, certaines sautant à la marelle en chantant, d’autres rigolant allègrement entre elles dans une belle complicité juvénile. L’instant d’après, ce fut un groupe d’hommes richement enturbannés et joyeux, dans un lieu qui ne me disait rien qui vaille, d’apparaître. Je les voyais formant un cercle au contour irrégulier, et martelaient vigoureusement le sol de leurs pieds nus en se trémoussant avec frénésie tels des possédés, sur un mode pourtant festif puisqu’ils chantaient et battaient leurs mains, au rythme endiablé d’un joueur de tam-tam situé au milieu d’eux.

Aaah oui m’étonnais-je surpris par ces apparitions, ne comprenant rien à une telle perception?

Humm, marmonnais-je en me ressaisissant, tout en me grattant la tête quelque peu surpris par ce kaléidoscope inattendu et en me demandant :

« Mais, qu’est-ce que mon inconscient essaie donc de me suggérer-là en me projetant toutes ces images ? Essaie-t-elle de me suggérer la vie sous cette forme ? Et, que sont tous ces enfants, ces jeunes-filles et ces hommes richement enturbannés ?».

Paul, ou le chaînon manquant, par Albert Stino MatsimounaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant