III.

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"Pourtant les débris de verres continuaient encore et encore à poignarder son coeur..."

L'institutrice parlait, et comme tous les jours les élèves n'écoutaient pas. L'un, rêveur, regardait par la fenêtre distraitement tandis qu'un autre s'appliquait à colorier les petits carrés de sa feuille quadrillée. Deux filles, assises l'une à côté de l'autre bavardaient bruyamment. La prof ne cessait de demander le silence, mais les élèves continuèrent à vaquer à leur occupations. Elena, elle, semblait cogiter, un air crispé déformant son visage d'habitude si serein et si posé. Elle repensait à ce week-end qui ne cessait de lui revenir en boucle, à tout ce qu'elle avait fait sans la moindre pitié. Elle avait conscience que cela était absolument affreux, mais étrangement, elle n'arrivait pas à ressentir ne serait-ce qu'une once de culpabilité. Comme si ses sentiments se gelaient de l'intérieur. Elle ne voyait plus que par la haine et la colère. Elle se surpris à songer à ce changement qui opérait en elle. Soudain, un petit mot sur le coin de son banc attira son attention. Un petit papier ligné tout chiffoné, sur lequel une jolie écriture ronde et large avait été inscrite. Elle lut :

"Il faut qu'on parle, J."

C'était sans aucun doute Jade, l'amie la plus proche d'Elena. Elle chiffonna le papier et se remit à songer. L'institutrice, hors d'elle, se mit à crier sur les élèves. Elle n'était pas du genre sévere, aïs lorsque qu'elle explosait, les élèves subissaient sa mauvaise humeur. L'institutrice songea un instant à se calmer, mais elle se ravisa lorsqu'elle vit un de ses élèves envoyer sans gêne des messages sur son téléphone.

— Ça suffit ! J'en ai assez ! Ethan, tu sors ! "

Le jeune garçon sursauta sur sa chaise, l'incompréhension dans son regard. Il jaugea l'institutrice du regard avec un petit sourire effronté presque insolent. Il se dit que la faire tourner en bourrique pourrait être amusant. Assise quelques rangs plus loin, Elena le contemplait d'un air qu'elle espérait indifférent. Elle ne voulait absolument pas qu'il remarque qu'il l'intéressait, sachant pertinemment qu'elle représentait moins qu'une amie pour lui. Un silence gênant s'installa dans la classe tandis que le jeune élève et son professeur se défiaient du regard, dans le but, pour l'un de discréditer sa professeure, et pour l'autre d'imposer enfin son autorité à sa classe. Un silence total. Pas même une mouche ne volait. Pourtant, Elena percevait d'étranges petits crépitements, comme si la colère intense de son institutrice se matérialisait en étincelles. Elle balaya l'assemblée du regard, mais aucun de ses camarades ne semblaient percevoir le bruit, qui se faisait pourtant entendre de plus en plus. Elena se boucha les oreilles et les déboucha à l'aide de ses doigts, mais le bruit semblait bien réel. Ethan se leva, et pencha la tête sur le côté, un sourire mesquin déformant sa bouche. Il passa une main dans ses cheveux châtains, et dit nonchalamment :

— Lorsque vous aurez de l'autorité, vous pourrez peut-être me faire sortir.

— Ethan. Dehors, immédiatement.

— Vous êtes sûre ? Il va falloir me faire sortir de force. "

L'institutrice bouillonnait intérieurement. La rage l'envahissait tandis qu'elle perdait tous ses moyens. Elle s'avança vers l'élève. Sa main partit toute seule. Elena, prévoyant l'acte en une fraction de seconde se dirigea vers eux avec une vitesse presque surnaturelle. Elle empoigna la mais de la femme désemparée. Ethan regarda la jeune fille choqué par une telle rapidité. Elena regardait sa professeure avec haine et resserra son emprise sur le poignet de celle-ci. Elle enfonça ses ongles dans sa peau, et elle poussa un cri de douleur. Elena avait le cerveau embué par la rage et la haine. Ethan posa une main sur l'épaule d'Elena et la jeune fille se rendit compte de ce qu'elle était en train de faire. Elle lâcha le poignet de la bonne femme et cligna des yeux plusieurs fois. Les crépitements avaient disparu, laissant place à un silence mortel. Toute la classe avait les yeux rivés sur l'adolescente qui revenait peu à peu à elle.

Initiation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant