Chapitre 1

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David Harper se réveilla en hurlant, le corps trempé de sueur, les poings crispés sur ses draps. Son cœur battait si vite que le bruit ses pulsations semblaient remplir toute la pièce.

Ce fichu cauchemar était revenu le hanter : il se retrouvait enseveli vivant dans la grotte qui lui avait servi de prison en Afghanistan. Une prison sensorielle où, privé de lumière et d'autres odeurs que celles de la pourriture et de ses excréments, il avait cru devenir fou. De-puis son retour, il connaissait des épisodes effroyables durant lesquels ses sens se détra-quaient, amplifiant plus que de raison les moindres perceptions.

D'ailleurs, il lui semblait entendre quelque part dans l'appartement, le crissement des pattes d'un insecte sur le parquet. Il secoua la tête, ferma les yeux, et fut aussitôt assailli par des odeurs insupportables : celle du savon dans la salle de bains, du détergent utilisé la veille pour nettoyer le lavabo, du chien du voisin qui passait au même moment dans le couloir, accompagné par son maître dont l'after-shave lui donna la nausée. Dave se leva en réprimant un haut-le-cœur, pour se précipiter dans les toilettes et vomir le peu que contenait son estomac.

Bon sang ! Ça n'allait pas recommencer ! Cela faisait des mois qu'il n'avait pas eu ce genre de crise et il pensait que tout ça était définitivement derrière lui. L'armée avait bien envoyé le certificat de guérison à la brigade criminelle où il travaillait depuis son retour, garantissant que ses troubles ne pouvaient représenter une gêne dans son travail. Pour tout dire, la plupart du temps, il s'en accommodait très bien, cela lui avait même servi quelque fois pour dénicher des indices. Mais ça, c'était quand ils ne partaient pas en vrille.

Appuyé sur le rebord de la cuvette, Dave essayait de reprendre son souffle, après avoir tiré la chasse d'eau, quand soudain, la sonnerie de son portable lui vrilla les oreilles. Il se traîna péniblement jusqu'au salon et rata le premier appel. Mais, très vite, le son strident se manifesta de nouveau et il décrocha en toute hâte.

« Harper, grommela-t-il.

— C'est ton capitaine préféré. On t'attend sur une scène de crime. »

David nota mentalement l'adresse que lui donna Tobias Fisher.

« OK, je serai là dans vingt minutes.

— Tout va bien ? s'inquiéta son supérieur. Tu as une drôle de voix.

— C'est... c'est ma migraine.

— Avale tous les aspirines que tu peux, j'ai vraiment besoin de toi sur ce coup-là.

— Je ferai de mon mieux », promit le policier avant de raccrocher.

Il se hâta sous la douche, ne prit pas le temps d'avaler quoi que ce soit et sortit de l'appartement après avoir récupéré ses clefs de voiture. Il se félicita de ne croiser personne dans l'ascenseur. Une fois dans le parking souterrain, il s'empressa de démarrer pour échap-per aux odeurs de moteurs chauds, de fluides divers et de caoutchouc.

Conduire lui fit du bien, car il put se concentrer sur la route, le contact du volant entre ses mains, les intersections. Tout cela lui permit de faire baisser le volume de ses perceptions et de pouvoir de nouveau appréhender le monde sans que celui-ci ne lui hurle à la figure. Il espérait que la fatigue due à une enquête particulièrement éprouvante, était à l'origine du retour de ses symptômes. Il ne se ménageait pas, loin de là. Une fois qu'il était sur une piste, il ne la lâchait pas jusqu'à obtenir des résultats. Cela faisait de lui un très bon flic. Ça et son sens de la discipline, le fait que ses collègues savaient pouvoir compter sur lui en toute occasion. Des qualités qu'il avait pu développer pendant qu'il servait sous les drapeaux. Gamin, il n'était qu'un chien fou, sans repère, sans famille. L'armée lui avait tout appris. Elle lui avait aussi pris deux années de sa vie, le temps qu'il avait passé aux mains des Talibans.

Harper & HicksOù les histoires vivent. Découvrez maintenant