N°9

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Hinata franchit le seuil de l’appartement. L’air était lourd, saturé de l’odeur de l’alcool et de tabac froid. Elle observa son père affalé dans le vieux fauteuil, la bouteille à moitié vide dans la main, le regard vide, presque étranger. Sur les murs, les photos de sa mère et de sa sœur, Annabi, semblaient la fixer, silencieuses, comme des témoins muets du temps perdu.

« Qui… qui es-tu ? » cracha-t-il d’une voix rauque, tremblante. « Je ne te connais pas. Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Hinata sentit son cœur se serrer. Chaque mot était comme un coup de poignard. « Papa… c’est moi… Hinata… » tenta-t-elle, la voix hésitante. « Je suis rentrée… »

Son père la fixa quelques secondes, plissant les yeux. Puis un rire étrange, un rire nerveux, s’éleva. « Hahaha… tu… tu te moques de moi ? » dit-il, la voix tremblante et cassée. « Après deux ans… tu reviens maintenant… tu te soucies de nous ? Et Annabi ? T’as pensé à elle au moins, Hein ? Tu étais où pendant ces deux ans où on a cru que tu étais morte ? On t’a trop manqué ? C’est pour ÇA QUE TU TE RAMÈNES ENFIN !?»

Hinata sentit une boule se former dans sa gorge. La colère, la douleur et la peur se mêlaient à un vertige paralysant. Elle ne savait pas quoi répondre. « Papa… je… je dois savoir… où est Annabi… je n’ai pas le temps de par-… »

Son père éclata de nouveau d’un rire nerveux, secouant la tête, l’alcool rendant ses mouvements erratiques. « Où est Annabi… ? » répéta-t-il. « Ah, maintenant tu te soucies de ta sœur… après tout ce temps ! » Il s’approcha de quelques pas, titubant légèrement, les yeux rouges et brillants. « Alors… dis-moi… où étais-tu, hein ? Pendant que nous étions seuls à nous effondrer… pendant que ta mère sombrait… où étais-tu ? »

Hinata sentit ses mains trembler. Elle prit une grande inspiration. « Papa… tu peux pas me parler comme ça pour l’instant… je dois savoir où elle est… » Sa voix tremblait, mais elle ne voulait pas céder. Elle devait savoir.

La patience de son père avait atteint sa limite. Sa mâchoire se contracta, ses poings se serrèrent. Ses yeux lançaient des éclairs de colère et de douleur. « Tu veux savoir où est Annabi ? » hurla-t-il, sa voix résonnant dans l’appartement comme un coup de tonnerre. « Elle est… sous terre ! »

Le sol sembla se dérober sous Hinata. Ses jambes fléchirent. « Qu… quoi ? » murmura-t-elle, incapable de comprendre. « Papa… tu mens… arrête… »

« Je ne mens pas ! » cria-t-il, les larmes commençant à couler sur ses joues, mélange d’alcool et de chagrin. « Elle est morte ! » Sa voix se brisa. « C’est ta faute ! Tout est de ta faute ! Si Annabi est morte, si ta mère est morte… c’est parce que tu as fui ! Deux ans… DEUX ANS ! TU TE RENDS COMPTE !? Deux ans que j’ai dû me débrouiller seul ! Deux ans que j’ai cru que ma famille était détruite… parce que tu as été égoïste ! »

Hinata sentit son monde basculer. Son corps se mit à trembler. La nausée monta, violente, et elle régurgita, s’accroupissant au sol, incapable de contenir la douleur physique et émotionnelle. Les mots de son père résonnaient dans sa tête comme des marteaux : « De TA faute… de TA faute… de TA faute… »

Ses mains se crispèrent sur le sol, ses larmes se mêlant à la bile et à l’horreur du moment. « Ce n’est pas possible… » cria-t-elle entre deux sanglots. « C’est pas vrai… arrête… arrête de mentir… »

Mais son père, enragé et brisé, ne pouvait plus contenir son désespoir. Il s’avança vers elle, titubant, les bras levés, les yeux rougis, hurlant maintenant des mots qu’elle sentait s’enfoncer en elle comme des lames. « C’est vrai ! Hinata… c’est vrai ! Depuis deux ans, je vis dans le chaos… parce que tu n’étais pas là ! C’est toi qui as tout détruit ! Tout ! »

Les bouteilles sur la table tremblèrent sous ses gestes violents. Il en lança une contre le mur, le bruit du verre éclaté couvrant presque son cri. « C’est TA faute ! Si Annabi est morte… si ta mère est morte… tout… tout… c’est de TA faute ! »

Hinata, au sol, en larmes, sentit son cœur se fissurer un peu plus à chaque hurlement. Les mots de son père résonnaient encore et encore, se mêlant au souvenir des deux années passées loin de tout, à sa propre culpabilité. Son corps était secoué, ses mains se cramponnant à ses genoux, sa respiration coupée par le chagrin et la douleur.

« Annabi… est morte ! » cria son père une dernière fois, les larmes coulant sur ses joues, le souffle court. « Et tout ça… c’est ta p***** de faute ! »

Hinata s’effondra complètement, le cri de son père résonnant dans sa tête comme un ultime verdict. Elle était seule avec sa douleur, sa culpabilité et la certitude terrible que la vie qu’elle avait fuit… était définitivement perdue.

Annabi était morte. Et ma mère aussi. Et c’était de ma...faute. Tout.

JUSTE UNE FOIS [En cours...]Where stories live. Discover now