◇ Le peuple dragon | 1. Efflorescence ♧ 『 BxB 』

◇ Verset 31 ♧

Svarting

dimanche 02 mai

Ce qui vivent, ce sont ceux qui luttent. Victor Hugo.

Le ciel est encore noir quand je sors du Palais de Corail.
L'air sent la tempête lointaine, mais la mer, pour l'instant, est étrangement calme. Les embruns me fouettent le visage dès que je franchis les grandes arches ouvertes sur le port. Le clapotis régulier de l'eau contre les coques me semble presque trop apaisant pour ce qu'on s'apprête à faire.

Le bateau nous attend, amarré au quai. Même dans la pénombre, je vois encore les traces de sang séché sur le bois, les planches éclatées par les lames ennemies. Les cadavres ont été regroupés en un gros tas au milieu du bateau, aujourd'hui c'est notre monnaie d'échange.

Floki est déjà à bord, accroupi près du mât, en train de vérifier les cordes. Rokvar arrive derrière moi, portant une caisse pleine de grappins et de provisions. Valkyrre nous attend à la proue, les bras croisés, fixant l'horizon avec cette expression dure qui ne la quitte jamais avant une mission. Elvina ferme la marche, son carnet coincé sous le bras, ses cheveux tirés en une queue de cheval.

Nous sommes cinq. Personne de plus, aucun guerrier, aucun matelot. Uniquement, nous cinq. Soit ça passe, soit on meurt tous, mais au moins on aura essayé.

— On y va, dis-je simplement.

Aucun mot de plus. Pas besoin.

On détache les amarres et je prends place à la barre. Le bois humide grince sous mes mains, la voile claque doucement au-dessus de nos têtes. Nous quittons le port, glissant sur les eaux profondes qui entourent l'archipel. La lumière naissante colore la mer d'un bleu d'acier.

Le Palais de Corail s'éloigne rapidement derrière nous, jusqu'à ne plus être qu'une ombre nacrée sur l'horizon. Devant, la ligne sombre de Thal Morak se dessine déjà, menaçante, et je sens une tension monter dans l'air.

Tout le monde se trouve sur le pont, le regard braqué vers Thal Morak. Le silence est maitre, laissant nos respirations lourdes se faire engloutir par le bruit des vagues. Un long soupir se fait entendre à ma gauche et je tourne la tête vers ce son. Rokvar gravant un morceau de bois tire une moue de six pieds de long.

— Je savais dès le début que j'aurais dû emmener les chiens avec moi.

Aucun de nous ne répond à sa lamentation jusqu'à ce que Floki rompt le silence.

— Ce n'est pas les chiens qui font de toi un bon guerrier.

— Ils auraient été une force.

— Oui, bien sûr, et une fois au fond du gouffre, comment est-ce qu'il serait monté tout en haut exactement ?

Pas de réponse. Valkyrre esquisse un rire et lui lance un corossol.

— Mange, on aura besoin que tu frappes fort demain.

— C'est toi que je vais frapper, affirme-t-il sur le ton de la rigolade.

Un léger sourire m'échappe. Même Elvina esquisse un rictus, mais personne ne commente. L'ambiance reste lourde.

La matinée avance, et avec elle, la silhouette de Thal Morak se précise.
Ses falaises noires se dressent comme une barrière infranchissable, et sous la surface, je sais que l'eau cache un autre danger : la fosse d'Iridion.

Nous approchons de la zone. L'eau prend une teinte plus sombre, presque violette, et une odeur métallique monte à mesure qu'on se rapproche. Rokvar pose sa main sur la garde de son épée.