⸺ 𝐅𝐀𝐍𝐅𝐈𝐂𝐓𝐈𝐎𝐍 𝐓𝐄𝐑𝐌𝐈𝐍𝐄𝐄
[Hiromi Higuruma x fem! OC]
⤷ 𝖘𝖙𝖗𝖆𝖓𝖌𝖊𝖗𝖘 𝖙𝖔 𝖑𝖔𝖛𝖊𝖗𝖘
Aimer, c'est souffrir. Aimer, c'est perdre. Il l'avait appris trop jeune pour l'oublier, inscrit à même la chair, comme une cicatrice qu'on es...
Hiromi la regarda partir. Il ne détourna pas le regard tant qu'elle ne fut plus visible à travers la vitre poussiéreuse de la devanture. Elle n'avait rien acheté. Rien. Et pour elle, il le savait, c'était presque une trahison envers elle-même. Il l'avait déjà vue la première fois repartir avec deux romans sous le bras. Elle n'aimait pas sortir d'une librairie les mains vides. Et aujourd'hui, elle n'avait rien pris.
Lentement, Hiromi reporta ses yeux sur le livre qu'il tenait, mais ses doigts le reposèrent dans le rayon sans même qu'il le décide vraiment. Il inspira profondément, la mâchoire serrée. Il pensait avoir pris la bonne décision.
C'était ce qu'il avait toujours fait : repousser, ériger des murs, protéger ce qu'il lui restait. Il le savait. Il savait qu'un jour elle partirait, ou bien qu'elle le délaisserait pour quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'aurait pas ces fissures qu'il s'efforçait de masquer. Et plutôt que d'avoir à la voir tourner les talons plus tard, il préférait prévenir, anticiper.
C'était plus simple comme ça. Plus sûr.
Alors pourquoi? Pourquoi ce silence qui s'était abattu dans la librairie lui semblait-il si lourd? Pourquoi ses mains tremblaient-elles très légèrement lorsqu'il remit un autre livre à sa place? Pourquoi ce son ténu des clochettes en train de se taire continuait-il à résonner dans sa poitrine comme une note triste?
Il inspira encore, longuement, et se força à se détourner du rayon pour se perdre dans un autre comme si de rien n'était, comme s'il n'avait pas envie, tout au fond de lui, de courir jusqu'à la porte, de la rattraper et de lui dire qu'elle avait tort de baisser les yeux comme ça.
Mais il resta immobile, droit dans sa solitude, son mur intact. C'est mieux comme ça, se répéta-t-il en silence. Mieux. Pour elle. Pour lui. Même s'il n'en était plus tout à fait certain.
Il la voyait encore, au fond de son esprit, franchissant la porte, ses cheveux blancs se balançant doucement dans son dos, sa démarche lente, presque déçue. Et quelque chose, au creux de lui, éclata, un souffle de courage maladroit, inattendu. Une toute petite voix qui lui disait : et si cette fois tu essayais ? Même si ça fait peur.
Il resta là encore un instant, figé au bout du rayon, ses mains retombant lentement le long de son manteau sombre, sa respiration plus rapide qu'il ne l'aurait cru. Cette fois, le silence lui faisait mal ce silence-là n'avait rien de protecteur.
Puis quelque chose, au fond de lui, craqua. Peut-être était-ce un sursaut de lucidité. Peut-être juste de la peur d'avoir raison. Ou la peur, plus grande encore, d'avoir tort.
Ses mâchoires se crispèrent, son regard noir s'assombrit une seconde, puis il glissa jusqu'à la sortie de la librairie. Ses jambes bougèrent avant même que sa tête ne lui en donne vraiment l'ordre. Et soudain, il franchit les derniers mètres d'un pas rapide, presque sec, son manteau battant autour de ses jambes.
La clochette tinta derrière lui, plus stridente cette fois. L'air vif de Shinjuku le frappa de plein fouet lorsqu'il sortit. La rue grouillait d'activité, le brouhaha et les moteurs couvrant presque ses pensées.
Il la chercha du regard, fébrile, balayant la petite place devant la boutique, puis la rue principale, son cœur battant à ses tempes. Un instant, la panique lui serra la gorge : elle avait peut-être déjà disparu dans la foule, avalée par le flot des passants.
Puis il la vit.
Sa silhouette fine, immobile, légèrement de profil dans la lumière de fin d'après-midi. Elle regardait droit devant, l'air absent, le visage immobile comme un masque. La résignation douce qui se dégageait d'elle lui donna un pincement au cœur. Ses cheveux neigeux dansaient doucement sous la brise tandis qu'elle attendait patiemment dans une petite file, près d'un arrêt de bus.
Il sentit quelque chose remonter dans sa poitrine, une impulsion maladroite, presque brutale. Il accéléra le pas, bousculant légèrement un passant sans s'en excuser, ses chaussures claquant sur le trottoir. Plus il s'approchait, plus il sentait son courage vaciller, mais il ne s'arrêta pas.
La file avançait, elle n'était plus qu'à deux personnes de monter dans le bus. Sa main se crispa en poing tandis qu'il la rejoignait, et au moment précis où elle posait le pied sur la première marche pour monter dans le véhicule, il lâcha, d'une voix forte et tendue, presque trop forte pour lui :
⸺ Saori !
Elle s'immobilisa net, son pied suspendu en l'air, ses doigts agrippés à la rampe métallique du bus. La voix avait claqué, inattendue, au milieu du vacarme de la rue. Elle se retourna doucement, ses grands yeux cyan cherchant la source, et elle le vit, là, à quelques mètres derrière elle, droit dans la lumière tombante, essoufflé, les traits un peu crispés mais les yeux plantés dans les siens.
Hiromi.
Il ne dit rien d'autre, incapable de trouver tout de suite les mots, mais son regard parlait pour lui. Un mélange de peur, de doute et de cette étincelle nouvelle, cette décision maladroite d'essayer.
D'espérer, même si ça faisait peur.
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