𝟏𝟏 ⸺ instant fragile

9 5 0
                                        

La clochette au-dessus de la porte tinta doucement quand Saori entra dans la petite librairie Arakawa

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

La clochette au-dessus de la porte tinta doucement quand Saori entra dans la petite librairie Arakawa. Une odeur familière de papier ancien, d'encre et de poussière lui chatouilla le nez. Il n'y avait pas grand monde à cette heure, juste le vieil homme derrière le comptoir, penché sur une pile de factures qu'il peinait visiblement à lire, et deux clients qui flânaient dans les rayons.

Elle déambula tranquillement, suivant les étroites allées de bois sombre, jusqu'à arriver au rayon où elle avait déjà croisé Hiromi, quelques semaines plus tôt. Et, sans grande surprise, il était là.

Toujours dans la même section, penché sur un roman policier épais qu'il feuilletait sans réellement tourner les pages. Comme la dernière fois, il était seul, ses sourcils épais légèrement froncés et l'air fermé.

Saori s'arrêta un instant avant d'approcher. Le voir la fit sourire très légèrement, mais elle remarqua tout de suite que quelque chose avait changé.

Il avait retrouvé cette carapace froide, celle qu'il portait le jour où elle l'avait vu au café pour la première fois. Ses épaules semblaient à nouveau tendues, ses gestes un peu mécaniques. Le regard qu'il posait sur le livre n'y était pas vraiment ; il était ailleurs.

Elle inspira doucement et s'avança. Ses talons firent grincer le parquet, et il leva brièvement les yeux vers elle en entendant le bruit.

Elle lui offrit son habituel sourire doux, celui qui, elle le savait maintenant, n'était pas là pour masquer une naïveté mais une volonté de continuer malgré tout.

Toujours du côté des criminels et des plaidoiries ? demanda-t-elle doucement, comme si elle reprenait une conversation laissée en suspens.

Il ne répondit pas tout de suite. Il ferma le livre, le remit à sa place sur l'étagère, et tourna légèrement la tête vers elle.

On dirait. Sa voix était basse, égale, presque impersonnelle.

Je crois qu'ils devraient vous réserver ce rayon à votre nom, à force, tenta-t-elle, une pointe d'humour dans le ton.

Un souffle à peine perceptible passa ses lèvres, mais il ne sourit pas, pas vraiment. Ses yeux retournèrent vers les tranches de livres, comme si elle n'était pas là.

Saori le regarda un moment en silence, elle ne fit aucune allusion à ce banc, ce jour-là dans le parc, à ses doigts sur les siens, à ce contact fragile qu'il n'avait pas repoussé. Elle sentait bien qu'il avait remis en place ses automatismes, qu'il avait refermé ses portes.

Mais elle ne recula pas pour autant.

Elle choisit elle aussi un livre au hasard, l'ouvrit, et resta là, à feuilleter à côté de lui.

Je ne sais pas ce que vous cherchez dans ces histoires-là, reprit-elle calmement après quelques minutes, mais si vous cherchez la justice, vous ne la trouverez pas toujours ici. Elle tourna la tête vers lui, ses yeux brillant doucement. Mais peut-être que vous pouvez encore la trouver en vous.

𝐒𝐓𝐑𝐀𝐍𝐆𝐄𝐑𝐒 𝐈𝐍 𝐓𝐇𝐄 𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓Where stories live. Discover now