La sonnerie de 13h30 retentit dans les couloirs. C'était l'heure du cours de biologie.
Elle remit son cahier dans son sac en silence, ses gestes lents, presque mécaniques. Elle n'avait pas croisé Marc depuis le matin. Depuis ce moment sur le banc, où il s'était effondré dans ses bras. Depuis ce moment où elle avait senti, pour la première fois, qu'il la laissait vraiment entrer dans son monde.
Elle poussa doucement la porte du labo de sciences. La pièce sentait l'alcool, les feuilles plastifiées et un peu la craie. La plupart des élèves étaient déjà installés en binômes, certains regardaient leur téléphone, d'autres feuilletaient leur classeur en soupirant.
Et lui... il était là. Assis à sa place habituelle, côté fenêtre, le regard perdu dehors. Elle hésita une seconde. Puis s'approcha.
Il releva les yeux dès qu'il sentit sa présence. Elle n'eut pas besoin de parler. Il tira doucement sa chaise, comme une invitation muette.
Elle s'assit à côté de lui. Tout simplement. Comme si rien n'avait changé. Comme si tout avait changé.
- T'as apporté ton plan de protocole ? demanda-t-il doucement, presque timidement.
- Oui. J'ai retravaillé la partie sur la photosynthèse. Le prof trouvait que c'était pas assez clair.
Elle sortit son cahier, le posa entre eux. Leurs épaules se touchaient presque. Il hocha la tête, attentif, concentré, mais elle voyait bien qu'il l'écoutait autant elle que les explications.
- T'as bien fait de séparer les variables contrôlées, dit-il en suivant son doigt sur la page. Ça rend le truc plus lisible.
Elle sourit un peu. Ce ton calme, ce sérieux... c'était lui. Celui qu'elle avait connu au début. Celui qu'elle avait aimé doucement, sans même s'en rendre compte.
Ils passèrent les vingt premières minutes à peaufiner leur rapport. Il écrivait pendant qu'elle reformulait, ils débattaient parfois sur un mot, une tournure, mais sans tension. C'était simple. Fluide.
Et pourtant, tout était chargé. Chaque geste. Chaque regard. Chaque silence.
Elle l'observa à la dérobée. Il fronçait les sourcils en recopiant une formule. Sa mèche brune tombait un peu devant ses yeux. Il souffla dessus machinalement, sans lever la main pour l'écarter. Elle aurait pu le faire à sa place. Comme avant. Mais elle ne le fit pas.
- Tu te souviens la première fois qu'on a bossé ensemble ? demanda-t-elle soudain.
Il releva la tête, surpris. Puis un petit sourire étira ses lèvres.
- Ouais. J'étais persuadé que t'allais être chiante et sérieuse. Et finalement, t'étais pire.
Elle éclata de rire. Il la rejoignit quelques secondes plus tard, et ça leur fit du bien. Vraiment. C'était comme respirer à nouveau après avoir retenu son souffle trop longtemps.
- Et toi, t'étais insupportable, répondit-elle. Toujours à corriger mes phrases, à vouloir faire « plus pro ». T'étais grave dans ton délire de perfection.
- J'suis toujours comme ça, dit-il doucement.
Mais cette fois, il n'y avait pas de fierté dans sa voix. Juste un constat.
Elle le regarda. Et elle comprit. Il n'était plus exactement le même. Quelque chose s'était fendu en lui. Mais peut-être que c'était ça, grandir. Laisser tomber l'armure. Reconnaître qu'on a besoin de l'autre.
- Tu sais, reprit-elle, j'aime bien quand tu bosses à fond comme ça. Mais ce que j'ai préféré, c'est quand t'as commencé à m'écouter vraiment.
Il la fixa un instant. Il ouvrit la bouche, puis la referma.
Et puis il dit :
- Je t'écoute encore. Même quand t'es pas là.
Ses joues rosirent. Elle détourna les yeux.
Le professeur arriva, interrompant leur bulle. Ils reprirent leurs notes, écoutèrent vaguement les consignes pour la prochaine manipulation. Extraction de pigments chlorophylliens. Pas très excitant, mais au moins, ils pouvaient continuer à travailler à deux.
Pendant l'exercice, leurs gestes se coordonnaient presque naturellement. Elle préparait les tubes, il notait les volumes. Elle lisait les instructions, il les appliquait. Comme s'ils retrouvaient, peu à peu, cette complicité qu'ils croyaient avoir perdue.
À un moment, elle sentit sa main frôler la sienne. Pas par accident. Pas complètement intentionnel non plus. Il ne s'excusa pas. Elle ne retira pas sa main. Et c'était suffisant.
À la fin du cours, ils rangèrent ensemble. Comme avant. Mais cette fois, tout avait un goût différent. Plus précieux. Plus fragile aussi.
- Tu veux qu'on continue le dossier chez moi ce week-end ? proposa-t-il, le regard fuyant.
- Tes parents seront là ?
Il se crispa un peu.
- Non. Enfin... pas samedi après-midi.
Elle hésita. Puis dit oui.
Et en quittant la salle, elle se retourna une dernière fois. Il la regardait déjà.
Il ne souriait pas. Mais il avait cet air-là, celui qu'il avait seulement avec elle. Celui qui disait : « Merci d'être encore là. »
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BEYOND THE HALLWAYS
Teen FictionBeyond the Hallways raconte l'histoire de Lily, une adolescente de 15 ans, qui voit sa vie bouleversée lorsqu'elle se retrouve à une journée ordinaire au lycée, comme d'habitude. Mais le destin, lui, n'aime pas les journées ordinaires. Ce matin-là...
