Gabriel est sur le point de quitter le Salon des ambassadeurs pour entamer la préparation du compte-rendu du Conseil des ministres quand il sent soudainement une main large, pesante, sur son épaule. L'appréhension parcourt son corps, et il se tourne pour faire face à Éric Dupond-Moretti qui, à sa surprise, semble légèrement inquiet, au lieu de son air imperturbable habituel.

"Je peux te glisser un mot ?"

Il se crispe à nouveau, l'anxiété formant une boule dans son ventre, et hoche la tête en accord. Le ministre de la Justice doit sentir son malaise, car il recule de quelques pas, l'entraînant vers un coin de la pièce alors que les autres ministres quittent l'un après l'autre. Une fois tranquilles, il lui dit, d'un ton soucieux :

"Écoute, je ne me mêle pas normalement des affaires personnelles de mes collègues, mais peu importe qui est l'oméga que tu fréquentes en ce moment, tous les alphas de la pièce sont capables de le sentir et c'était un peu distrayant. Je sais que vous - Gabriel intercepte le sous-entendu, vous, les bêtas - ne pouvez pas le sentir, mais à ta place, je lui achèterais des bloqueurs d'odeur ou des suppressants si tu n'as pas envie que des rumeurs courent à ton sujet."

Le soulagement est immédiat, Gabriel comprenant que l'homme en face de lui opère sur de faux présupposés, que son secret est encore en sécurité, pour l'instant. L'air faussement affecté, acquiesce d'un signe de tête les suggestions de son collègue.

"Oh, je suis vraiment désolé, je n'y avais pas pensé. Merci, Éric, cela devrait être sous contrôle la semaine prochaine", répond-il, conscient du mensonge, mais se sentant incapable de le corriger.

L'autre penche la tête en signe d'au revoir, attrape la chemise de classement contenant ses dossiers du moment, puis quitte, laissant Gabriel seul. Dans la salle de réunion, le soleil de fin de matinée fait reluire les moulures antiques d'un mordoré encore plus intense qu'à l'habitude, et il passe un doigt le long d'une de celles-ci, perdu dans ses pensées. La porte principale s'ouvre à la volée sur Olivier, et Gabriel sursaute, surpris par sa présence, le médecin étant la dernière personne qu'il s'attendait à voir ici aujourd'hui, le pensant encore en déplacement. Il ne le salue pas, puisqu'il n'a pas l'habitude de le faire, puisque leur relation se passe des formules de politesse et des platitudes dont ils doivent tous deux se formaliser à longueur de journée. Il a le souffle court, comme s'il avait dû courir pour ne pas le rater - Gabriel ne comprend pas la raison de sa présence, attend qu'il lui pose la question qui lui brûle visiblement les lèvres.

"Je viens de croiser Dupond-Moretti sur mon chemin. Qu'est-ce qu'il te voulait ?"

Gabriel soupire, une pointe d'irritation déjà en train de naître en lui : Olivier a toujours été surprotecteur avec lui, et si cette attitude l'attendrissait hier soir, l'anxiété diluant ses pensées comme la térébenthine la peinture à l'huile, elle l'énerve davantage ce matin. Il a eu le temps de se remettre du choc causé par la demande du président de la République, n'a pas envie d'être surveillé comme un enfant turbulent. Il examine ses ongles pour éviter le regard inquisiteur de son aîné, déclare aussi nonchalamment que possible :

"Il pense que j'ai une liaison avec un oméga et il voulait m'avertir que leur odeur était distrayante pour les alphas. Personne ne sait encore que ça vient de moi."

Il relève légèrement les yeux, sans croiser ceux de l'autre, juste pour voir la réaction d'Olivier, parce qu'il ne peut pas s'en empêcher, aime tester les limites de sa patience. Les épaules du médecin se détendent légèrement, et il ne sait pas quoi en penser.

i know i should go (but i follow you like a man possessed)Where stories live. Discover now