Chapitre 24 | Ava

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Quatre ans plus tôt

Hôpital
Jeudi 1er Juin
19 : 08

Je n'arrive plus à faire la distinction entre mes cauchemars et la réalité. Je n'arrive pas non plus à distinguer le jour de la nuit, tout est flou. Je sais que l'on m'a administré plusieurs sédatifs, raison pour laquelle je suis constamment dans les vapes. Je ne sais pas quel jour on est, ni depuis combien de temps je suis sortie de cette cave. Lorsque je me redresse avec difficulté pour m'asseoir sur le lit, je peux voir qu'il fait encore jour dehors. Mon plateau-repas est posé à côté de moi, mais je n'ai pas faim. J'ai cru entendre une infirmière dire qu'on allait devoir me mettre sous perfusion.

Ma vie a basculé d'un coup. Tout me semble si sombre, si triste. J'ai envie de pleurer et de crier en me remémorant ce qu'il s'est passé, mais je crois que je n'ai plus de larmes.

Quelqu'un frappe à la porte. Deux policiers entrent de ma chambre suivis par ma mère. Je crois que ce n'est pas la première fois qu'ils viennent, leurs visages me semblent familiers. L'un est grand, âgé et costaud, à moitié chauve avec une barbe grise. Le second est beaucoup plus jeune. Il est brun avec de longs cheveux bouclés attachés en un chignon bas. Il a vraiment l'air très jeune; je ne lui donne pas plus de vingt ans.

« Bonjour mademoiselle. » lance le premier policier de manière brusque.

Il n'a rien de chaleureux. Il a même l'air exaspéré d'être là.

« Je vois que vous êtes enfin réveillée. »

Je reste silencieuse, tout comme son coéquipier et ma mère. Les deux gendarmes se placent devant la fenêtre tandis que ma mère vient s'asseoir sur le fauteuil à côté de mon lit sans me regarder. Elle a l'air très en colère. Bouleversée. Déçue ?

« On aurait quelques questions à vous poser Eva.
— Ava » je corrige.

Il me lance un regard noir et m'ignore.

« Alors, tu veux bien me raconter ce qu'il s'est passé ?
— Euh... Je... »

Je n'arrive pas à parler. Je ne veux pas raconter ça. Je me sens si humiliée, si faible. J'ai l'impression d'être cassée. D'avoir été amputée d'une part de moi-même. Je reste silencieuse, le regard rivé sur mes mains tremblantes. Je ferme les yeux pour empêcher mes larmes de couler mais c'est inutile; d'abord parce qu'elles se mettent à couler à flot, et ensuite parce que d'affreuses images viennent me tourmenter. Je le sens encore. Son souffle sur moi, ses mains brutales me maintenir, m'étrangler quand j'essaye de me débattre, son odeur nauséabonde, son sexe... J'ai envie de vomir. Non, non. Respire Ava, non... Je me mets à pleurer de plus belle. Pourquoi m'a-t-il fait ça, à moi ? Qu'ai-je fait pour mériter ça ?

« Bon, mademoiselle, on n'a pas toute la soirée. »

La grosse voix du flic me fait sursauter. J'en avais oublié sa présence. Lorsque je lève les yeux, je peux clairement voir qu'il est exaspéré. L'autre a les yeux rivés sur ses chaussures, il semble éviter mon regard. Je vois tout de même ses poings se serrer. Je me sens si seule. Pourquoi personne ne m'aide, ni ne semble comprendre ?

« Pourquoi es-tu allée chez monsieur Livet ?
— Je... On devait faire un exposé, je réponds d'une voix faible.
— Hmmm. C'était ton petit ami ?
— Non !
— Alors pourquoi être allée seule chez lui ?
— J... Je vous l'ai dit, c'était pour faire un exposé. »

TEACHME [PUBLIÉ SUR KINDLE ET AMAZON LES 14 & 21 JUIN]Where stories live. Discover now