Chapitre 11

Depuis le début
                                    

Je soupirai d'agacement. De temps en temps, ma grand-mère pouvait se montrer d'un pénible ! J'avais d'ailleurs beaucoup de mal à la supporter, dans ces moments-là. Il m'avait fallu un bon moment pour m'habituer à ses sautes d'humeur. Au départ, lorsqu'elle avait commencé à agir de cette manière, je m'étais pas inquiétée et l'avais emmenée consulter afin de vérifier qu'elle ne souffrait pas d'un début de démence sénile. Après lui avoir fait passer une batterie de tests, le médecin m'avait tout bonnement ri au nez : mamie avait un fichu caractère, pas un début d'Alzheimer.

Pile à ce moment, William se décida à prendre la parole.

— Je suis dans les affaires. J'ai connu Lynah pendant notre croisière à Glaglaland, en Norvège, et la vie a voulu que nos chemins se recroisent ici, à Paris. Je suis le nouvel associé de sa boîte.

Je remerciai intérieurement William de cet exposé succinct de son CV. J'étais quasiment sûre que cela allait satisfaire la curiosité de ma grand-mère

— Le hasard fait bien les choses, n'est-ce pas, mon petit William ? Sans vous, je serais morte dans l'isolement le plus absolu. Associé, dites-vous, mais encore... Vous organisez des mariages et des lunes de miel, vous aussi ?

Raté ! Moi qui pensais que nous pourrions passer à autre chose... Au lieu de cela, maintenant qu'elle avait flairé sa proie, elle allait le bombarder de questions toutes plus indiscrètes les unes que les autres. Je pris une chaise afin de m'y installer et compter les points.

— Euh, non, lui répondit-il avec gentillesse. J'organise juste des dîners de rencontres entre célibataires.

Mais non ! L'imbécile ! Pourquoi lui avoir parlé de ça ? Je sentis la panique monter à l'idée de la prochaine question de l'enquêtrice chevronnée qu'était mon aïeule.

— Pas seulement ça, précisai-je en venant à la rescousse de William. Il... En fait, son frère est chef et donne des cours à des gens qui souhaitent apprendre la cuisi...

— Rencontres entre célibataires ? s'exclama-t-elle avec exagération, me coupant une nouvelle fois la parole. Mais c'est précisément ce qu'il faut à ma petite-fille, ça ! Dites-moi, mon petit William, vous êtes toujours célibataire ? Un beau jeune homme comme vous !

— Eh non, au risque de vous faire de la peine, et croyez bien que vous m'en voyez désolé, je ne suis plus sur le marché, soupira-t-il avec un embarras des plus affectés.

Mais sa précision ne sembla pas impressionner mamie qui minauda un peu plus.

— Au fait, ne me dites pas que vous faites partie du même cours que Lynah. Non, c'est impossible, vous êtes toujours vivant et en parfaite forme physique, dit-elle, un sourire appréciateur aux lèvres, tout en détaillant William de haut en bas d'un œil connaisseur.

J'avais honte. Ma grand-mère soit disant mourante jouait les jeunettes avec l'homme le plus agaçant de la Terre, faisant peu de cas de ma présence. En attendant, même occupée à lui faire de l'œil la bouche en cœur, elle n'oubliait pas de me gratifier d'une remarque gênante au passage. Décidément, elle avait le chic pour me mettre mal à l'aise. William, lui, ne semblait absolument pas gêné par les questions pour le moins intrusives posées par mon aïeule. Au contraire, il lui souriait de toutes ses dents.

— En fait, non. Je dirige la société qui organise ces cours avec mon frère, lui est aux commandes des couteaux, dit-il dans un rire des plus chaleureux tout en me lançant un regard appuyé sur cette dernière remarque. Quant à moi, je suis celui chargé des chiffres. Et, je vous rassure, votre petite fille n'a fait encore aucune victime à part son doigt et la pauvre quiche décédée avant de connaître la chaleur du four.

Incroyable fiancéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant