𝖣𝖾𝖺𝗋 𝗄𝗂𝗍𝗍𝖾𝗇 | ˢᵘᶰᵏᶤ

something's wrong with that cat

samedi 08.02
10:34
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Pour ne pas changer les bonnes vieilles habitudes, me voilà à écrire dans ce foutu journal en plein milieu d'une répétition avec Riki. Mais j'ai mes raisons, et je préfère les coucher sur papier pour me pencher dessus à tête reposée plus tard.

Aujourd'hui on s'entraîne oui, et danser en binôme, c'est comme n'importe quel autre travail de groupe. Il n'y a rien d'ambigu avec son partenaire, c'est comme bosser sur un exposé. Il peut y avoir une certaine proximité, oui, c'est sûr que c'est plus fréquent d'enserrer la taille de son binôme en dansant qu'en créant un diapo, mais ça ne signifie rien. C'est se plier à la chorégraphie, et c'est consenti par chaque partenaire. Comme sur un exposé, on se met d'accord sur le fond avant de s'attaquer à la forme. C'est du jeu, comme au théâtre, c'est crédible mais pas réel. Un danseur est un acteur. Alors je suis un acteur, et Riki aussi.

Du moins dans les faits. Mais des fois, j'ai l'impression que cette distinction lui échappe. Aujourd'hui, ça lui échappe.

Oui, il peut y avoir une certaine proximité. Et dans notre chorégraphie, il y en a, c'est un fait. La musique sur laquelle on performe à quelque chose de langoureux, d'aguicheur si on veut, alors lui comme moi avons voulu insister sur ce point dans notre danse. Ça rend bien, nos mouvements sont fluides, synchros, nos corps ont pris l'habitude, on dirait qu'ils se répondent sans même qu'on ait à se concentrer. C'est mécanique, nos visages qui se frôlent, nos mains qui s'effleurent, nos regards qui s'accrochent. Et pendant certaines répétitions, c'est même marrant, parce que c'est difficile d'être sérieux à chaque fois alors qu'on doit donner l'impression qu'on se drague. Alors on rigole un coup, et on reprend plus sérieusement, sans aucune ambiguïté.

Sauf que des fois, il y a quelque chose en plus. Et aujourd'hui, il agit étrangement.

Cette pantomime qu'on joue sur une musique trop explicite, je crois qu'elle dérègle ce chaton aux airs de fauves. Des fois, il y a quelque chose de différent dans ses gestes et ses regards. Oui, des fois Riki plante ses yeux dans les miens comme s'il cherchait une réponse dans mon âme, et ses mains s'agrippent à mes épaules et ma taille comme s'il me retenait de m'enfuir je ne sais où.

C'est étrange. Pas sulfureux, aguicheur. Il ne flirte pas, ou en tout cas pas plus que ce que ne le veut notre chorégraphie. C'est pas ça, il ne cherche pas à me séduire ou que sais-je. En fait, tout à l'heure, quand ses yeux se sont plantés dans les miens le temps de quelques maigres secondes, j'ai plutôt eu l'impression qu'il était... fasciné ? Il m'a fixé comme un enfant face à son super-héros préféré, avec les yeux qui brillent d'admiration et de larmes, alors c'était presque comique, mais ça déstabilise.

Ouais, tu avais presque l'air sur le point de pleurer, Nishimura Riki. C'était bizarre, ça sortait de nulle part et la pause précipitée qu'on vient de prendre aussi était étrange. Il a voulu couper court à cet échange et ça s'est vu. Et je ne sais pas comment agir jusqu'à la fin de cette répétition, ni même après, alors que tu as accepté de manger avec moi, foutu chat.

21:03
🦊-

Quelle étrange journée.

La fin de notre entraînement s'est bien passée, mais quelque chose clochait. J'ai essayé d'agir comme si de rien n'était, par peur de raviver je ne sais quel mauvais souvenir chez Riki qui aurait pu provoquer son comportement bizarre, mais j'ai pas dû réussir. Il m'a refait comme la dernière fois, après sa chute : l'étirement s'est passé dans un silence pesant, où il avait l'air absent, un peu paumé. Il n'osait pas vraiment me regarder.

Le repas était moins gênant, quoiqu'il y avait toujours ce quelque chose de particulier dans l'air. Un quelque chose qui laisse à penser que ce gros chat ne me dit pas tout. C'est pas bon, je n'aime pas ça. Attention à toi, Nishimura Riki.