Après avoir réussi à faire émerger Corïbis de son sommeil, nous nous remîmes à arpenter les routes. Durant le trajet, nous passâmes par plusieurs petits villages qui se trouvaient dans le même état que le précédent. Son regard devenait toujours plus sombre à chaque endroit traversé.
Par chance, le temps gris qui nous accompagnait depuis plusieurs jours ne cracha pas de pluie, ce qui nous permit d'avancer d'un bon pas. Ce qui me choquait, en revanche, c'était l'étrange silence qui régnait tout autour de nous : les oiseaux ne chantaient pas, et les bruits des grillons se faisaient encore plus rares. Dans les bois, les animaux se faisaient discrets, rendant la chasse de nos repas compliquée, du moins de mon côté. Corïbis, lui, ramenait à chaque fois un peu de gibier sans avoir l'air de faire le moindre effort... Je suppose que Myre l'aidait et facilitait la chasse. Je préférais me dire cela : c'était moins humiliant. Mes pas devenaient lourds sur le sol, les semelles de mes bottes, fortement usées, rendant chaque avancée plus difficile.
— « Est-ce que tu vas enfin m'expliquer ce qu'il se passe, ou tu comptes garder le silence tout le trajet ? » dis-je en me plaçant devant lui, marchant à reculons, les mains derrière la tête.
— « Si tu continues à avoir cet air sombre, tu vas vraiment finir par ressembler aux cadavres qu'on n'arrête pas de croiser, tu sais ? »
Il releva la tête. « Ah... ah, très drôle », dit-il en levant les yeux au ciel. Je souris : ma petite manœuvre avait l'air de fonctionner. Il m'indiqua le chemin d'un coup de tête.
— « Tu devrais faire attention en marchant comme ça, tu vas de tomber. »
— « Aucun risque, je maîtrise. »
Il pencha la tête pour observer le chemin derrière moi avec un petit sourire en coin. J'avais le sentiment qu'il allait tenter un sale coup, mais cette fois-ci, je ne comptais pas me laisser surprendre. Je suivais le moindre de ses gestes avec attention : hors de question qu'il recommence à m'humilier comme lors de notre première rencontre.
— « Tu me dois une pinte à la prochaine taverne si jamais tu tombes. »
Je fis un signe de la main pour lui montrer que le pari était tenu.
— « Alors ? »
Regardant dans le vague, il prit une inspiration. « Très bien... Je ne t'apprends rien si je te dis que, chaque année, les terres de Whilem... mm... » Il me jeta un coup d'œil en soupirant. « Enfin, le territoire corrompu, pour parler votre langue, s'étendent toujours un peu plus au-delà de ses frontières. »
J'acquiesçais, l'écoutant avec une oreille attentive.
— « Cela va te sembler étrange, mais moi aussi, ce constat me dérange. Je veux savoir et comprendre pourquoi cela arrive. Depuis quelques années, la propagation s'étend de façon exponentielle et touche de plus en plus rapidement les zones annexes. Les royaumes mitoyens ont peur. Si ça continue, ça va vraiment dégénérer... »
— « Ce n'est pas quelque chose dont vous devriez vous réjouir, plutôt ?
il me regarda incrédule.
— « Enfin, je veux dire, pour vous qui êtes un peuple expansionniste, voir votre territoire s'agrandir sans effort, c'est tout de même le rêve. »
— « Expansionniste ? c'est nouveau ça..dit-il réfléchissant à mes paroles...Donc si je reprends ce que tu as dit vous aimeriez donc vous faire envahir encore plus vite ? Je vous savais masochistes, mais pas à ce point...face à l'inconnu vous aimez bien imaginer toute sorte de péripéties complètement irrationnelle...Ahahah »
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Whilem
FantasyUn monde où rôdent des créatures oubliées, où une maladie incurable consume lentement les âmes et les corps. Whilem, le royaume central, s'étend comme une ombre, engloutissant tout sur son passage. Dans les murmures des tavernes et les cauchemars de...
