colocation

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Quand la femme a la robe m'a annoncé que je vivrais avec cette célébrité, j'ai ressenti une pointe d'excitation, presque de fierté. C'était leur façon de m'aider, disaient-elle. « Tu as besoin d'être guidé, et elle est parfaite pour ça. » Je m'étais imaginé un appartement spacieux, propre, à l'image des vidéos qu'on voyait d'elle. J'imaginais un lieu où le luxe et la modernité se mêleraient, un endroit où je pourrais enfin me sentir à ma place.

Mais dès que la porte s'est ouverte, toutes mes illusions se sont effondrées.

Le premier choc fut l'odeur : un mélange écœurant de parfum sucré bon marché, de nourriture avariée et de sueur. Le deuxième, ce fut le chaos. L'appartement ressemblait à un champ de bataille. Des vêtements traînaient partout : des soutiens-gorge accrochés aux chaises, des chaussettes éparpillées sur le sol, des emballages de nourriture vides jonchant les tables, et des piles de vaisselle crasseuse entassées dans l'évier. Une odeur rance flottait autour de tout cela, comme si la pièce elle-même avait abandonné toute dignité.

« Bienvenue chez moi ! » s'exclama Jena (le faux nom de cette célébrité) en entrant, son sac à main glissant de son épaule pour rejoindre le désordre ambiant.

Elle se dandina jusqu'à un canapé, écartant quelques magazines pour s'y affaler. Son sourire radieux était le même que celui qu'elle arborait dans ses vidéos, mais il semblait plus mécanique, presque forcé.

Elle était affalée sur le canapé, les jambes croisées, son téléphone à la main. Elle portait un t-shirt beaucoup trop serré qui soulignait outrageusement sa poitrine, et un short si court qu'il révélait presque tout. Sa chevelure parfaitement coiffée contrastait cruellement avec l'état de l'appartement. Ses lèvres étirées dans un sourire mécanique trahissaient ce masque qu'elle portait constamment dans ses vidéos.

Je restai debout dans l'entrée, mon sac à la main, incapable de dire un mot. Elle ne se donna même pas la peine de me présenter l'appartement.

« Bon, écoute, » dit-elle, d'un ton désinvolte. « Ton coin, c'est là-bas. »

Je fixais l'endroit qu'elle avait désigné. C'était un rectangle de sol entre la table basse et une pile de vêtements sales. Le contraste était frappant avec ma vision fantasmée de la vie de star. Jena, la célébrité mondialement connue, vivait dans un désordre total. Mais dans un coin de la pièce, un espace soigneusement aménagé tranchait avec le reste : une lumière douce, une caméra posée sur un trépied, et un décor minimaliste mais impeccable, fait de fausses plantes et d'une chaise en velours.

« Mon coin ? » demandai-je, incrédule.

Elle éclata de son rire nerveux et faux, celui que j'avais déjà entendu dans ses vidéos. « Bah oui. T'espérais quoi, un lit king-size ? C'est ici que tu dors. Moi, j'ai le canapé. »

Je fixai le tapis, serrant les poings. Une colère sourde montait en moi, mais je la réprimai. Je n'avais pas le choix.

« Et puis, » continua-t-elle, en se redressant légèrement pour se pencher vers moi, son t-shirt s'ouvrant un peu plus, « si tu veux rester ici, va falloir te rendre utile. Symbole m'a dit que je devais t'aider à devenir connu, mais franchement, ça va être chiant. Alors, commence par ranger un peu. Regarde ce bordel. »

Elle agita la main comme pour désigner l'appartement entier.

Je restai immobile, choqué par son ton et son attitude.

« Allez, hop hop, » ajouta-t-elle, en attrapant un soutien-gorge qu'elle lança négligemment dans ma direction. « Fais-toi une place. Et commence par mes chaussettes. Elles traînent partout. »

Sans un mot, je ramassai les vêtements éparpillés, m'efforçant d'ignorer son regard amusé et son sourire narquois. Elle me regardait comme un jouet, un larbin, un être inférieur.

Après avoir rangé, je me tournai vers elle. « Y a quoi à manger ? »

Elle haussa les épaules. « Pas grand-chose. T'as qu'à improviser. Mais fais vite, j'ai faim. »

Je me dirigeai vers la cuisine, où le frigo était presque vide. Il restait quelques œufs, du pain rassis, et un morceau de fromage douteux. J'essayai de composer un repas avec ça pendant qu'elle, assise sur le canapé, enchaînait les vidéos pour Symbole.

Je l'observai à la dérobée. Elle était devant sa caméra, son sourire figé, parlant d'une voix faussement enjouée, ponctuée de rires qui sonnaient creux. Elle se dandinait légèrement, jouant avec les plis de son t-shirt pour attirer l'attention sur sa poitrine. Elle répétait inlassablement les mêmes phrases, ses yeux fixés sur un prompteur discret derrière la caméra. À chaque pause, elle consultait les commentaires sur son téléphone.

« 'Oh Jena, tu es parfaite.' Sérieux, ces mecs sont trop pathétiques, »

Elle éclata d'un rire méprisant avant de reprendre sa posture parfaite pour continuer le tournage.

Puis, elle éteignit la caméra et, instantanément, son sourire disparut.

« Putain, c'est crevant. » Elle s'effondra sur le canapé, attrapant une pilule qu'elle avala sans eau.

« C'est quoi, ça ? » demandai-je.

Elle haussa un sourcil, amusée. « Sérieux ? Des vitamines. » Elle éclata de rire. « Enfin, presque. Ça aide à tenir le rythme. Tu devrais essayer. »

Pendant ce temps, elle se leva pour lire les commentaires sur ses dernières vidéos, riant de certains, se moquant ouvertement des autres.

« Sérieux, ils sont trop bêtes. Regarde ça, 'Jena, tu m'inspires tellement.' Inspire ? Je tourne des vidéos débiles, et ils appellent ça de l'inspiration. »

Je continuai à cuisiner, serrant les poings pour ne pas répondre. Cette femme était insupportable. Son sourire parfait, ses gestes étudiés... tout n'était qu'une façade.

Quand j'eus fini de préparer à manger, elle se précipita à table, engloutissant tout ce que j'avais fait sans même un merci. Quand je m'assis pour manger à mon tour, je constatai qu'il ne restait plus rien.

« Eh ! » protestai-je. « Et moi, je mange quoi ? »

« Ah, désolée, j'avais trop faim, » dit-elle en riant avant de s'étirer sur le canapé.

Je sentis ma colère monter à nouveau, mais je la réprimai une fois de plus.

« Jena, » dis-je finalement, en essayant de garder mon calme.

« Hmm ? » répondit-elle sans lever les yeux de son téléphone.

« On doit faire une vidéo ensemble. C'est pour ça que je suis là. Symbole veut que je devienne connu, et je ne peux pas le faire sans toi. »

Elle resta silencieuse un moment, puis éclata de rire.

« Une vidéo ensemble, hein ? T'as cru que j'allais te donner de mon public comme ça ? »

Je serrai les poings, mais je savais que je n'avais pas le choix. « S'il te plaît. »

Elle soupira dramatiquement, comme si ma demande était un fardeau insupportable.

« Bon, ok, » dit-elle finalement. « Mais pas ce soir. Je suis crevée. »

Elle s'étira longuement, faisant glisser son t-shirt encore plus haut, puis s'allongea sur le canapé, utilisant un coussin comme oreiller.

« On fera ça demain. peut être... Bonne nuit!»

Je regardai son corps parfaitement sculpté, ses cheveux tombant en cascade sur le canapé. Elle était belle, incroyablement belle, mais tout ce qu'elle représentait me répugnait.

Je m'allongeai sur le tapis élimé, grelottant légèrement. C'était la première fois que je dormais aussi près d'une fille, encore moins une aussi jolie qu'elle. Mais il n'y avait rien de romantique dans cette situation. Juste une humiliation de plus, dans une vie qui semblait déjà n'être qu'une longue descente aux enfers.

Dans l'obscurité, la lumière de son téléphone clignotait encore, témoin des notifications incessantes qui continuaient de rythmer sa vie.

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⏰ Last updated: Nov 22, 2024 ⏰

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Symbole™Where stories live. Discover now