L'image que lui renvoyait le miroir de la salle de bain de son hôte la répugna. Elle était sale, les cheveux en pagaille, une de ses pommettes était légèrement violacée et surmontée d'une petite coupure, mais le pire de tout était que sa peau pâle et ses vêtements étaient couverts de sang rouge vif. Le contraste n'en était que plus saisissant lorsqu'elle retira ses vêtements, qu'elle jeta plus loin avec dégoût.
Le confort de l'eau bien chaude qui coulait sur sa peau était agréable. Le chauffe-eau de son appartement était tellement vieux et usé, qu'il lui fallait taper dessus à plusieurs reprises et dans un rituel bien particulier avant d'aller dans la douche pour espérer avoir un peu d'eau tiède, alors elle profita de chaque seconde, regardant le mélange d'eau, de sang et de saleté qui s'écoulait en un liquide marron-rouge dans l'évacuation de la douche.
En sortant, elle se sécha et s'emmitoufla dans un peignoir noir trop grand pour elle qu'elle trouva dans le placard, puis partit à la recherche d'une chambre dans laquelle dormir. Une petite pièce sans fenêtre qui contenait un lit simple lui parut tout à fait convenable, alors elle s'y installa.
Le lit avait été fait au carré ; visiblement, la rigueur de l'armée coulait encore dans les veines de cet homme spécial, pensa-t-elle avant de s'allonger sous la couette et de s'endormir instantanément, épuisée.
Bien que confortablement installée, sa nuit avait été agitée. Les cauchemars qui avaient assailli son esprit avaient de nombreuses fois interrompu son sommeil, la réveillant en proie à une panique immense avant qu'elle ne se souvienne qu'elle était en sécurité auprès de Matthew.
Lorsqu'elle descendit le lendemain matin, le soleil commençait timidement à pointer le bout de son nez, mais pas Matthew, qu'elle entendait ronfler paisiblement depuis la porte entre-ouverte de sa chambre. Avec l'envie de le remercier, elle se dirigea dans la cuisine à taton et chercha de quoi faire un petit déjeuner. Le frigo regorgeait de nourriture fraîche, de viande, de fruits et de légumes. Jamais elle n'aurait pu rêver mieux. Elle opta finalement pour des œufs qu'elle fit cuire au plat avant de trancher quelques fruits qu'elle disposa dans des bols, puis tenta en vain de faire marcher la machine à café.
Un grognement provenant de derrière elle la fit sursauter. Matthew, les cheveux en bataille, vêtu seulement d'un bas de jogging noir, la repoussa sur le côté avec peu de délicatesse avant de mettre en route la machine. Le temps que le café coule, il laissa ses mains appuyées sur le plan de travail et étira ses muscles, tel un félin, sans même se soucier du fait qu'elle soit à ses côtés, à le regarder ou plutôt à l'admirer. Julia, qui était seule depuis si longtemps et qui n'avait plus été proche d'un homme, du moins pas d'un homme au charme aussi magnétique, sentit ses joues rosir à la vue de sa silhouette athlétique et de sa peau couverte de tatouages.
Lorsque la machine rendit la dernière goutte du liquide sombre qu'il attendait si impatiemment, il attrapa une des tasses qu'elle avait préparée et y versa son café. Il ne lui adressa un regard perçant et froid que lorsqu'il eut avalé deux ou trois gorgées de sa boisson vitale.
Elle leva les yeux au ciel en le découvrant tout aussi ronchon que la veille et s'installa sur une chaise autour de la table de cuisine pour savourer quelques fruits. Toujours en grognant, il s'approcha prudemment de la table pour s'y installer à son tour, avant de tirer une assiette vers lui et d'y jeter un coup d'œil suspect.
– Vous pouvez manger, Matthew. Bien que vous soyez fortement agaçant, je n'ai aucune raison de vouloir vous empoissonner. Alors profitez-en tant que ça dure, ajouta-t-elle en maugréant.
Un rictus s'éleva sur son visage encore endormi et il commença à dévorer son assiette avec appétit, et lorsqu'il eut terminé tout ce qu'elle lui avait préparé, elle le vit lorgner sur son assiette d'œufs encore intouchée. Dans un geste de pure sympathie et avec la volonté à peine voilée de le remercier pour tout, elle la fit glisser jusque devant lui et, avec un « merci » presque tiré à contrecœur, il se remit à manger.
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L'ombre de l'Eclipse
Science FictionDans un monde détruit par le capitalisme où la société n'a jamais été aussi divisée, un scientifique aux ambitions démesurées va décider de rebattre les cartes en propageant un virus transformant ses hôtes en zombies. Julia et sa nouvelle famille vo...
