𝐁𝐄𝐓𝐖𝐄𝐄𝐍 𝐓𝐇𝐄 𝐋𝐈𝐍𝐄𝐒 ; 𝑎 𝑠𝑜𝑛𝑔 𝑓𝑜𝑟 𝑎𝑛 𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟

✦ C H A P I T R E • C I N Q

fin du flashback

Je secoue la tête, essayant de chasser ces souvenirs qui me hantent depuis vendredi dernier. Les émotions que j'ai ressenties ce soir-là et les pensées obsessionnelles qui les accompagnent me poussent presque à envisager de retourner au Rhythms. Juste pour revivre ce moment, pour revoir Spencer se perdre dans sa musique, pour m'échapper de la réalité, ne serait-ce qu'un instant.

Lorsque je rouvre les yeux, mon reflet dans la vitre m'interpelle. Les lumières du métro créent un jeu d'ombres sur mon visage. Je me vois, fatiguée mais résolue, une lueur de détermination dans le regard. Peut-être est-il temps de faire ce premier pas, aussi terrifiant soit-il.

Sortie du métro, je respire l'air frais, laissant mes pensées vagabonder encore un peu plus. Le froid ne me dérange pas, au contraire, il me réveille. J'aime autant l'hiver que l'été, avec leurs contrastes saisissants. Le froid de l'hiver, avec son air pur et vif, apporte une clarté d'esprit qui me plaît. Quant à l'été, sa chaleur enveloppante, tant qu'elle reste supportable, a quelque chose de réconfortant, une légèreté que je chéris.

L'automne, en revanche, me plonge souvent dans une mélancolie dont je peine à me défaire. Voir les feuilles tomber, assister à ce déclin de la nature, ça m'attriste plus que je ne l'admets. Peut-être est-ce puéril pour une jeune femme de dix-neuf ans, mais c'est une vérité qui m'appartient, une part de moi que je n'essaie plus de nier.

L'hiver, avec ses journées courtes et ses longues nuits, évoque pour moi une tranquillité profonde. J'aime la manière dont la ville se métamorphose sous la neige, chaque flocon ajoutant une touche de magie à l'ordinaire. L'été, avec ses longues journées et ses soirées tièdes, m'apporte une légèreté de l'être que je savoure pleinement.

Alors que je marche, la légère morsure du froid sur mes joues me fait oublier l'étouffante chaleur du métro. Les rues de Wausau sont calmes à cette heure, presque paisibles. Mon regard se perd dans les vitrines, et observe les passants emmitouflés.

Bon sang. L'idée de retourner au Rhythms me hante, mais elle exerce aussi une étrange attraction sur moi. Je me demande ce que cela signifierait pour moi, pour ma musique, de replonger dans cette ambiance.

Peut-être que revoir Spencer sur scène, sentir à nouveau cette passion brute, m'aiderait à trouver le courage de faire ce premier pas dont Nara parlait. Peut-être que son exemple pourrait m'inspirer à surmonter mes propres peurs, à me libérer de mes doutes. Un soupir m'échappe, formant un petit nuage de condensation dans l'air frais. Je sais que je ne trouverai pas toutes les réponses ce soir, mais marcher, réfléchir, et sentir cet air frais m'aide à clarifier mes pensées.

Je me surprends à espérer que le prochain vendredi soir au Rhythms soit aussi captivant que le dernier. Peut-être que cette fois-ci, je trouverai le courage d'approcher Spencer, de lui parler de sa musique, de son inspiration. Peut-être que cette rencontre pourrait être le déclencheur dont j'ai besoin pour avancer, pour me libérer enfin de mes propres chaînes, qui, je le sais parfaitement, n'existent pas.

— Eh, ma jolie !

Un homme se met à marcher à côté de moi.

— Pourquoi tu fais cette tête toute triste ? T'as perdu ton petit sourire ? Je suis sûr que t'as un super beau sourire. Tu veux pas sourire pour moi ?

Je ne le connais pas, et pourtant, dès qu'il s'approche, une angoisse sourde m'envahit. L'odeur d'alcool qui émane de lui est suffocante, me nouant l'estomac. Instinctivement, je serre les poings, ressentant une tension familière, celle qui m'envahit chaque fois que je me retrouve dans une situation qui me met mal à l'aise. Je n'ai jamais été du genre à affronter les conflits de front. Depuis toujours, j'ai préféré les éviter, les contourner. Alors je continue de marcher, espérant que mon silence suffira à le dissuader. Mais il me suit, quelques pas derrière, ses paroles imbibées d'alcool se frayant un chemin jusqu'à moi.