Le Rouge de la vengeance

꧁Chapitre 1.2 ꧂

Les deux paladins portent la main à la garde de leur épée. Un homme d'une quarantaine d'années et vêtu d'une longue tunique d'un bleu délavé s'approche d'eux.

"Paix. Je ne suis pas venu en ennemi," fait calmement le nouveau venu.

"Qui nous dit que tu ne nous mens pas, Enchanteur ?" se méfie le jeune homme.

Galván resserre sa prise sur son arme. Des regards inquiets se tournent vers eux.

"Rien. Mais voulez-vous vraiment provoquer un combat ici et risquer de blesser des innocents, Site Méléagant ?" les raisonne l'Enchanteur.

Ils se taisent et desserrent leur prise sur leur garde. Le nouveau venu s'assoit avec eux.

"Vous êtes plutôt difficile à trouver Vos Altesses," commente l'homme.

"Que nous voulez-vous ?" demande Galván.

"Vous devez vous rendre immédiatement à Camelot sur ordre du roi Arthur. Vous avez déserté la Table Ronde depuis trop longtemps."

La jeune femme souffle par le nez.

"Nous ne sommes pas les bienvenus parmi nos soi-disant frères d'armes. Vous devriez le savoir Merlin,' lui rappelle Galván.

Merlin esquisse un mince mais bref sourire.

"Parmi les premiers certes, mais d'autres jeunes gens ont rejoint l'ordre depuis. De plus, le roi Arthur a besoin de tous ses chevaliers, dont vous, Messeigneurs," lance l'Enchanteur.

Le jeune homme croise les bras. Un silence pesant s'installe, la jeune femme tourne ses prunelles vers son mentor. Elle attend qu'il prenne une décision. La tension entre le duo et l'enchanteur est palpable. Méléagant se lève sans un mot, son long manteau noir flotte derrière lui tandis qu'il se dirige vers le comptoir régler l'addition. Galván sent qu'il est contrarié par cette situation. Elle remet son heaume.

"Je vais préparer les chevaux," murmure-t-elle.

Elle récupère les sacoches ainsi que le casque de son maître et sort de l'auberge. Merlin la suit. Elle conduit les deux sublimes juments à la robe de jais devant l'établissement, accroche les petits sacs aux selles. Elle peine à se retenir de bâiller.

"Rassure-toi, le voyage sera bref," dit l'Enchanteur.

Elle rie jaune.

"Je ne veux pas de votre compassion," rétorque la jeune femme.

"Pourquoi me hais-tu autant ? Nous ne sommes pas aussi différents que tu le penses, Galván."

Les yeux miroir du mage glissent vers la ceinture de son interlocutrice à laquelle pend un médaillon doré frappé de trois oiseaux et du visage souriant d'un jeune homme. Méléagant revient. Il se met en selle aussitôt imité par son apprentie.

"Vous vous trompez," réplique-t-elle.

Méléagant arque un sourcil. Merlin fixe la jeune femme, elle détourne le regard.

"Dépêchons-nous de nous rendre à Camelot," déclare Galván.

"C'est comme si c'était fait," annonce le magicien.

Un vortex lumineux les aspire. Il disparaît trente secondes plus tard, les cavaliers peinent à calmer leurs juments affolées. Les hautes tours illuminées du château de Camelot se dressent fièrement devant eux. Les gardes sursautent en les voyant surgir de nul part, Galván jette un regard assassin au magicien. Ce qui n'échappe pas à son mentor. Les soldats les éclairent de leurs torches. Ils prennent sur eux pour ne pas reculer.

"Veuillez prévenir le Roi Arthur que deux des trois chevaliers qui manquaient à l'appel sont là," fait Merlin.

"Bien."

L'un des veilleurs s'éclipse par une petite porte, le second surveille le trio. Les juments piétinent le sol avec nervosité. Il revient essoufflé après ce qui semble une éternité à Galván.

"Le Roi Arthur accepte de vous recevoir, veuillez me suivre," transmet le messager.

Ils remontent un peu la herse afin de les laisser passer. Les chevaliers mettent leurs chevaux à l'écurie puis le soldat les guide jusqu'à la salle du trône.

Malgré sa tunique de travers due à sa précipitation, Arthur Pendragon impose le respect. C'est un homme d'une trentaine d'années, ses yeux clairs reflètent sa fatigue, son dos voûté trahit les soucis du royaume qui pèsent sur ses épaules. Un sourire dévoile deux rangées de perles blanches et régulières. Galván a de la peine pour lui. Les chevaliers de Gorre retirent leurs heaumes et s'inclinent devant lui, Merlin reste en retrait. Le souverain est ravi de les voir après leurs longues années d'absence. Il se lève de son trône et ouvre les bras.

"Sire Méléagant, c'est un plaisir de vous revoir mon ami," le salue Arthur.

Le jeune homme aux cheveux ébènes se redresse et répond au roi par un signe de la tête. Son attitude ne surprend guère le souverain. Le monarque tourne ensuite ses yeux vers la jeune femme.

"Galván, ou plutôt devrais-je dire Lady Galván, vous êtes devenue chevalier à ce que je vois," sourit le roi.

Elle interroge son mentor du regard, celui-ci opine. Galván se reporte son attention sur le souverain.

"Oui, j'ai été adoubé par le Seigneur Baudemagu le mois dernier, Monseigneur" confirme la jeune femme.

"Si j'avais su, j'aurais préparé une autre chambre pour vous," dit Arthur.

Elle lit de l'embarras.

"Ne vous en faîtes pas, Votre Majesté. Ce n'est pas la première fois que je partage la chambre de mon Mentor," le rassure-t-elle.

"Il est vrai. Nous discuterons demain, si vous le voulez bien," suggère le roi.

"Avec plaisir, Votre Majesté," accepte Galván.

Arthur lui donne une tape amicale sur l'épaule puis s'adresse à Méléagant :

"Votre chambre est toujours la même, vous vous rappellerez le chemin ?"

Son interlocuteur acquiesce. Arthur leur souhaite une bonne nuit puis le duo regagne leur chambre.