N°XII

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Celui-là est un tube.


Le rachis boulonné sous des arceaux de chrome,

Dans le cou, des verrous et de verts hématomes,

Deux glissières engrenées grignotant les trapèzes,

Les pectoraux piqués de clous et de punaises,

L'abdomen encerclé de cerceaux pneumatiques –

Treize broches en acier dans l'aponévrotique – ;

En-dessous l'intestin muselé et tordu,

Les reins comme des coques écrasées de tortues ;

La dorsale sanglée d'une chaîne arachnide ;

Claustrant les coxaux, polyisoprénoïdes,

Polyoléfine et fonte harnachées d'élasthanne,

Et le fessier fermé de bractées de bardanes.


L'astragale en étoile implosée, suspendue,

Le tibia en tuteur et le tendon tendu,

Les rotules reliées sous un même opercule,

Tout le corps en cocon comme un grand follicule,

Un cocon qui ballotte dessous un cordon.

L'apophyse étranglée sous un nœud de nylon,

Le deltoïde rouge espacé du biceps

Par des orthèses à dents aux allures de forceps ;

Le radius en rayon de quelque motocycle,

Le graphe des agrafes formant des cocycles ;

Les bras comme une croix d'os et d'aluminium,

Les doigts comme un cloporte au fond d'un vivarium.


Des cadenas lestés constellant l'encéphale,

Des couronnes d'écrous le long du temporal ;

Le crâne, cette vasque, inversé, déversant

Par sa cime les larmes, et la bave, et le sang.

Et sur ce crâne un masque à l'effigie des morts,

Buvard occulte et moite enlacé par un mors,

Membrane molle et noire, alumine, kevlar,

Miroir comme l'asphalte poisseux d'un trottoir

Sur lequel amphibiens et crapauds ont crachés.

Des arrêtes de fer, viscosement crochées,

Harponnant les paupières, et deux pesants caissons

Concassant deux couleurs sous deux coffres de plomb.


Un trou de peau gercé au milieu de ce masque,

La peau comme deux pneus aux embourbures flasques,

Des moignons mâchonnés de lambeaux de gonflures,

Des morceaux de ventouses, entre les ligatures,

D'un rose de saumon, cireux, jaune, essoré.

Des câbles, des amarres, et tendeurs sont ancrés,

Leurs crochets dans la pulpe du creux de la dent,

Ou jusque en l'hypoglosse, l'électrocutant

De spasmes et d'odeurs d'iode, et de foudre statique,

Ossature ébrasant l'entonnoir de plastique

D'où des remugles gouttent, et des gouttes de colle

S'écoulent et font des bulles et des cloques d'alcool.


Celui-là n'est qu'un tube.



Virgile Van de Walle

Achevé le mardi 27 octobre 2020

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