7. Eden (1)

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J'attrape la serviette et essuie ma bouche toute collante de glace.

— De toute façon, je trouvais son nez horrible, t'es bien mieux sans lui ! lâche Kate de manière tout à fait naturelle.

— Et ce tic nerveux quand il était agacé, vous savez, ce truc avec les sourcils, surenchérit Hailey.

Elle tente d'imiter Alex sans y parvenir, et j'éclate de rire.

— La leçon qu'il faut en sortir, c'est que c'était le parfait connard, surtout, soupire Lane.

— Il faut te trouver le mec de remplacement, conclut Eliott.

Seul Lewis reste silencieux.

— Le mec de remplacement ? osé-je demander.

— Bah ouais, celui sur qui tu sautes après une rupture, histoire de te consoler, mais qui ne sera pas l'homme de ta vie. Je me proposerais bien, mais tu risquerais trop de briser mon cœur, plaisante-t-il en terminant son granita.

J'inspire profondément pour retenir mes larmes.

— Oh mince, s'alarme Hailey. Non, non, non ! Tiens, prends Robert !

Alors qu'elle se méprend sur mes émotions, elle m'écrase sur la poitrine la peluche d'un mètre de haut que Lane a gagné au stand de tir. Pour me consoler, mes amis m'ont embarquée à la fête foraine. Et pour être certain qu'on nous laisse tranquille, Lewis, Eliott, Kate et moi portons une perruque et des lunettes.

Je les regarde tout à tour, et juste comme ça, mon cœur explose. Je perçois la force tranquille chez Lewis, l'invincibilité chez Lane, l'humour qui remonte le moral chez Eliott, le soutien sans bornes chez Kate, et cet amour inconditionnel chez Hailey. Je sais à quel point elle s'inquiète.

— Je vous aime et je veux un câlin. J'ai le droit, j'ai le cœur brisé !

Encore que pour le moment, ce n'est pas la peine qui prédomine, plutôt la rancœur.

Je lâche Robert et me précipite vers mes amis, ma famille. On dit toujours que c'est quand tout va mal qu'on voit sur qui on peut compter. C'est tellement vrai.

Puis Eliott m'attrape la main et m'entraîne dans les allées de la fête foraine. Les basses résonnent, la musique fait bourdonner mes oreilles. C'est trop fort, trop intense. Une petite fille me bouscule avec sa barbe à papa tandis que sa maman se confond en excuses parce que j'en ai plein ma manche. Mais je m'en fiche tellement !

Je cours, je ris, j'oublie pourquoi je pleure parfois, pourquoi je suis en colère, souvent. Il y a juste eux et moi, dans un moment hors du temps.

Et je me mets à songer bizarrement que pour des instants aussi parfaits, je serais prête à vivre occasionnellement des ruptures.

Puis je me souviens que je crois dur comme fer au prince charmant, à toutes ces conneries qui font rêver les petites filles, et qu'on m'a inculqué à coup de films de noël. Alors j'en veux à mes parents, de m'y avoir fait un peu trop croire, parce que le prince charmant, il s'est carapaté avec la sorcière. Bon OK, la sorcière est plutôt canon, mais dans ma tête, elle a des verrues partout sur la figure.

Arrivés devant un manège à sensations, et pendant qu'Eliott fait la queue, je panique.

— Il faut que je vous dise un truc.

Cinq paires d'yeux se fixent sur moi tandis que je me dandine d'un pied sur l'autre.

— Je suis une froussarde. Je déteste les manèges à sensations, et encore plus avoir la tête en bas. On ne peut pas aller jouer au truc à pièces, là-bas ?

Le rôle de ma vie...Where stories live. Discover now