~chapitre 2 😤~

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          Il est aux alentours de 23h. Je terminais de ranger mes nouvelles affaires scolaires qu'on nous a données aujourd'hui quand j'entends un bruit de serrure et un léger claquement au rez-de-chaussée, m'indiquant que la porte d'entrée vient d'être ouverte. Mon père revient enfin. Je descends les escaliers lentement, ne sachant à quelle excuse stupide m'attendre cette fois-ci pour justifier sa semaine d'absence. Je le trouve dans la cuisine, debout devant le frigo ouvert, sa mallette et son manteau en laine Tommy Hilfiger posés dans un coin. C'est un homme d'une cinquantaine d'années, ses quelques cheveux gris peignés à la perfection pointant à la fin de sa calvitie. Il avait peut-être été bel homme, il y a 20 ans. Mais l'âge et l'égo ne l'avaient pas épargné. Je déteste reconnaître certains de ses traits en moi, ses yeux bruns-dorés, ses pommettes hautes et sa mâchoire un petit peu anguleuse en dessous des oreilles.

           Il n'avait pas pris la peine de m'appeler en entrant. 

          - T'es rentré.

          - Oui, j'ai terminé la collaboration avec Lallemand. Je ne pensais pas que cela prendrais autant de temps. Je vois que tu as fais des courses ? lance t-il avec un détachement spectaculaire.

          - Oui, j'ai acheté à manger tout à l'heure pour mon repas de ce soir, puisque tu n'étais pas encore revenu, je réponds sèchement. 

          - Ecoute Charlie, tu me reproche de ne pas avoir été avec toi cette semaine, j'ai l'impression. Mais tu sais que je travaille,  je peux pas toujours être disponible. C'était à ta mère de s'occuper de toi, pas à moi, et maintenant tu es autonome, donc arrête de faire le bébé, râle t-il.

          Je marque une pause silencieuse de quelques secondes. Ce genre de propos ne me choque même plus, à force des années. J'ai aussi appris que ça ne me mène à rien de réagir quand il parle de Maman. Alors, d'une voix à peine audible, je soupire, revenant déjà sur mes pas pour retourner à ma chambre : 

          - Je suis bien obligé, de toute façon, d'être autonome. Puisque t'es presque jamais là... 

          Je sens son regard froid me suivre des yeux tandis que je remonte me coucher, las. 

          Mon père et ma mère se connaissaient à peine quand je suis né. Ils s'étaient rencontrés en Italie, lors d'un voyage d'affaires de mon père. En fait, j'était un accident. Une baise d'un soir qui tourne mal. A l'époque, ma mère se prostituait pour gagner de l'argent. Et elle n'avait pas les moyens d'avorter. Quand mon père avait appris la nouvelle, il avait fui pour retourner en France, refusant de s'occuper d'un enfant qu'il n'avait pas voulu et qui pourrait le gêner dans ses affaires. Ma mère m'a donc élevé en Italie comme elle pouvait, jusqu'à sa mort. J'avais 12 ans. Evidement, on m'a envoyé chez mon père. Et depuis, sa vision de moi n'a pas changé : il m'héberge, mais ne m'aime pas, il fait sa vie comme si je n'existais pas. 

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          Cette nuit-là aussi, je mets quelques heures à m'endormir. Mais le sommeil finit par m'avoir, et je fais à nouveau le même rêve. Le même rêve que la nuit dernière, et le même que je fais depuis 4 ans. Celui où je me vois dans l'ancienne maison mon père à Lyon, dans mon lit, observant la porte en face de moi s'ouvrir lentement sur la silhouette de ma mère. Elle ne dit rien, me sourit, dévoilant ses dents parfaitement blanches dans la noirceur de la chambre. Son sourire n'est pas naturel. Ca se voit, on dirait un clown dans un film d'horreur. Ma conscience et mon instinct de survie me hurlent de m'enfuir, mais je suis comme prisonnier dans le corps de quelqu'un d'autre. Et celui-ci semble avoir envie de la prendre dans ses bras, qu'elle lui dise "bonne nuit mon chéri" comme à un petit enfant, et de se rassurer, comme on le fait quand on se réveille d'un cauchemar pour se dire que tout cela n'est pas réel et que Maman n'est pas morte. Sauf que Maman est morte, et cette femme n'est pas elle. Malgré tout elle s'approche, et je ne peux rien faire pour l'en empêcher. Son sourire s'élargit à mesure qu'elle se penche sur moi. Au moment où sa bouche froide touche mon front, je me sens basculer vers l'arrière, j'ai l'impression de chuter dans le vide, et je retombe brutalement dans la réalité, essoufflé et en sueur. 

Un truc en plus [boyxboy]Where stories live. Discover now