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Ce brouillard...
Ça y est, j'y suis, dans mon cauchemar.
Je marche d'abord doucement et prudemment en réfléchissant.
-Si c'était un rêve je ne serais pas aussi lucide..
Il faut que je me rappelle seulement des paroles de Pierre. Rien d'autre. Rien ne doit m'envahir, ni la peur, ni le stress, rien.
Je marche tellement doucement que de loin on pourrait croire que je fais du sur-place.
Au bout d'un certain temps -dont je ne pourrais absolument pas décrire- je me retrouve devant mon école.
L'angoisse commence à m'envahir, j'en ai mal au ventre. Pourquoi ça ? Qu'est-ce qu'il se passe..?

Le brouillard est épais, je distingue à peine mes pieds, j'ai la chair de poule, je le vois sur mes poils dressés mais je ne ressens rien du tout.
Je dois aller à l'école et chercher je ne sais trop quoi dans le bureau au 3e étage, rien d'autre, après je sors de mon cauchemar.
Enfin, j'essaye...

Madeleine avance à pas de loup, ses pieds nus foulant les pierres et les branches qui la blessent violemment. Son ventre se tord de douleur à mesure qu’elle s’approche de l’école. Elle a l'impression d'être dévorée de l'intérieur. Elle sent des présences qui la suivent, des nuages de fumée blanche à peine distinguables lorsqu’elle se retourne brusquement.
Le silence étouffant pèse sur elle pendant de longues minutes.

Soudain, les pas se font plus audibles, plus nombreux. Ils approchent. Madeleine sent la terreur monter en elle. Elle se met à courir vers l’école, désespérée, voulant échapper à ce qui la poursuit. Son cri déchire l’air, sa gorge brûle. Les pieds nus, elle trébuche sur des objets disséminés par terre, se blessant sans s’arrêter.
Les murmures commencent, insidieux.
"Madeleine" répètent-ils en boucle, sans intonation, sans relâche. Les voix se multiplient, se mêlent, envahissent son esprit. Elle gravit les escaliers en se déchirant la voix, les larmes brouillant sa vision. Son prénom résonne dans le vide. 

Je rentre dans un des bureaux sans regarder lequel est-ce, et je me mets en boule sous une table.
Mes dents claquent, de froid, de peur, un mélange de tout. J'ai un hoquet que j'essaye de dissimuler, mes pieds saignent.
Je pleure tellement que je me demande comment c'est possible d'avoir encore de l'eau dedans.
Ma respiration est tellement rapide que je m'étouffe plusieurs fois avant de me calmer.
Au bout d'un certain temps mon corps s'est calmé, ma respiration est plus naturelle, mon corps ne tremble plus et je n'entend plus aucun bruit.
Je me lève doucement en vérifiant quand même qu'il n'y a personne. Je me rappelle des visages de papier la dernière fois, je ne veux pas retomber dessus.
Rien. Il n'y a personne dans la pièce.
Je suis dans le bureau de Mme Marchall, je regarde un peu partout quand les mots de Pierre reviennent.
Je ne sais même plus quoi faire, est-ce que je dois chercher ? Qu'est-ce que je dois chercher surtout ?
De toute façon, c'est maintenant où jamais.
J'ouvre les tiroirs, attrape tous les papiers possibles en me mettant par terre, j'essaye de lire mais tout est quasiment illisible.

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Il y a des papiers partout, des feuilles qui volent, je cherche encore le moindre indice.
-Il n'y a absolument rien.. Putain Pierre dans quoi tu m'as embarqué...
Je suis assise contre le mur quand j'entends des grincements venant de l'étage, quelqu'un est là. Je suis totalement figé, si la personne -ou la chose- entre, je suis foutu.
Je vois une ombre passer sous la porte, elle s'arrête devant.
Mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression qu'il va lâcher.
-Photos
Les pieds se mettent en face de la porte sans rentrer. Je ne bouge toujours pas, je ne prête même pas attention à ce que j'ai entendu
-Regardes les photos Madeleine, souviens toi
Plusieurs paires de pieds apparaissent sous la porte.
Des photos... Mon corps se remet à trembler de tout mon être. Ma main devant ma bouche je pleure en silence.
-Mad, souviens toi
Je connais cette voix !
Je ferme les yeux si fort que je me fais mal.
Je sens plusieurs présences devant moi. Je sais que les ombres sont là mais je refuse d'ouvrir les yeux, j'ai trop peur.
J'attends plusieurs secondes, un bruit me fait sursauter et j'ouvre instinctivement les yeux, mais il n'y a personne. Rien à part un vieux livre par terre que je n'avais pas vu.
Un album photo.

Le silence, je n'entends plus rien. Je penche doucement ma tête pour être sûr qu'il n'y est plus personne. Je me lève à pas de loup de sous le bureau, je ne sais pas pourquoi mais je sais qu'il n'y a personne. Je suis seule.
Je regarde l'album photo à mes pieds.

Le regard de Madeleine était vide, à ce moment là elle ne ressentait plus rien.
Une seule question venait la ronger de l'intérieur comme si un serpent avaler ses organes un par un.
Elle avait l'impression que son sang avait arrêté de circuler.
Il n'y avait qu'un silence angoissant.
La sensation de son corps s'écrase, un poid immense sur ses épaules.
Elle a compris, à partir de maintenant rien ne serait comme avant.

Je me penche et touche l'album. J'ai trop peur d'ouvrir, sur quoi je vais tomber ? Est-ce que j'ai vraiment envie de savoir..?
Je commence à ouvrir doucement l'album, ma main est moite et tremble.

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J'ouvre les yeux d'un coup et je me relève soudainement. Évidemment je suis dans ma chambre. Je n'ai pas crié, je commence à avoir l'habitude de ces cauchemars.
Je soulève immédiatement ma couette pour regarder l'état lamentable de mes pieds et de mes mains.
-Oh merde... C'est quoi ce bordel.. ?
Je plaque ma main sur ma bouche.
Mes pieds sont propres, aucune trace de terre et mes mains vont très bien, rien du tout.
Je ne suis donc pas sorti...
C'était un cauchemar...

Je reste là, quelques instants, figé, plein de questions se bousculent dans ma tête mais aucune réponse ne sort.
Je me lève doucement, je cherche mon téléphone pour m'éclairer quand je trébuche sur quelque chose.
-Aïe.. Putain
Ça m'apprendra à ne pas ranger

Lorsque Madeleine allume son téléphone, un cri désespéré s’échappe de sa gorge.
Elle recule brusquement, comme si l’appareil était devenu un objet de terreur pure.
La peur s’empare d’elle, une peur viscérale qui la fait trembler jusqu’à la moelle épinière.
Elle a l’impression que son estomac se tord, une envie de vomir si forte qu’elle en a le vertige. Sa tête est prise d’une douleur insupportable, comme si des milliers d’aiguilles lui transperçaient le crâne.

Les larmes coulent sans fin, comme si chaque goutte était un fragment de son âme brisée.
Son corps est secoué de spasmes violents, des convulsions qui la clouent au sol, impuissante.
Elle reste là, paralysée par l’horreur, devant l’album photo de l’école, un objet qui semble avoir été arraché de son cauchemar le plus sombre pour se retrouver sous son lit.
La frontière entre le rêve et la réalité s’estompe, laissant Madeleine dans un état de désarroi absolu.


DisappearedWhere stories live. Discover now