Chapitre 47 - Se jeter dans la gueule du loup

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Damin avait raison : les blessés du crash de Cassy-8 arrivent dans un flot ininterrompu de suppos biplaces et de vaisseaux Leimar. C'est l'affolement général. J'apprends qu'un deuxième hôpital de fortune s'est monté à l'extérieur, pour les blessés les moins graves. J'aurais finalement pu me rendre utile à l'extérieur, mais je suis bien trop heureuse de retrouver mon autre famille : Sayan, Mei et cet idiot de Jofen qui se permet de grogner des ordres depuis son lit. Je mets du temps à remarquer que je souris béatement. Cela fait-il de moi une fille indigne ? Je me précipite vers mon viking de l'espace :

— Sayan ! Des nouvelles de Kalen ?

— Aucune Lily, désolé. Je suis content de te voir. Ici, rien ne va plus. Nous commençons à manquer d'arlun.

— La crème cicatrisante ?

— Oui, nous allons devoir suivre la manière terrienne d'ici peu de temps, et tu nous seras très utile. La file d'attente pour passer dans les flasters ne cesse de s'allonger. Mais j'ai de bonnes nouvelles. L'appel de Kalen a été entendu, Cassy-3 est arrivé avec à son bord dix mille volontaires, essentiellement selcyns mais j'ai entendu le chiffre de neuf cents terriens. Et surtout, ils sont venus avec vos robots AIM.

— IAM, oui je suis au courant, j'étais en salle de contrôle avec ma mère.

— Elle est restée à bord ?

— Un petit moment, mais elle est repartie.

— Oh. Et ça va ? me demande Sayan d'une voix sans émotion, le regard braqué sur la perfusion qu'il met en place.

— Oui, ça va, réponds-je, touchée par l'inquiétude que je perçois malgré tout. Des militaires africains sont venus avec des hélicos chargés de bombes !

— Oh, c'est donc vrai ? J'en ai entendu parler.

— Oui, et Varely a réussi à percer les défenses de Cassy-1, les portes vont s'ouvrir. Enfin.

— Vraiment ? m'interpelle un blessé. Le système de sécurité a été piraté ?

— On va pouvoir entrer et finir le travail ! s'exclame une femme au visage partiellement brûlé. Cette abomination sera détruite !

— L'arme ou ce chien de Grand Consul ? lui demande une autre.

— Les deux, espérons-le, répond un dernier.

La rumeur prend rapidement de l'ampleur, et une vague d'espoir se met à agiter les hangars. La carapace selcyne continue de se fissurer. Non loin de moi, Mei m'offre le plus beau des sourires. Je lui rends, malgré la peur viscérale que je ressens à l'idée que Kalen puisse pénétrer à nouveau dans Cassy-1. Cependant, ce n'est pas l'espoir qui guérira ces courageux soldats. Je retrousse les manches de mon gilet turquoise, me désinfecte les mains et me mets au travail.

Les heures défilent à toute allure. Toujours aucune nouvelle de Kalen. L'inquiétude et la fatigue rendent mes gestes nerveux. Et la faim, peut-être. Mei m'a littéralement enfourné un pain aux céréales dans le gosier, mais les hauts de cœur qui ont suivi l'ont dissuadé de renouveler l'expérience avec une banane. Et ne parlons pas des gjustres. Rien que d'évoquer leur nom, ça me file une nausée du diable. Je préfère me dévouer corps et âmes à ma tâche, enchaînant mes interventions auprès de malheureux souffrants de traumas crâniens, de brûlures et de blessures profondes (heureusement que j'ai rapporté du matériel de Papuda, car effectivement, nous manquons de crèmes). Mes talents de couturière ont laissé les Scinas dubitatifs. J'ai bien conscience que les méthodes terriennes à l'ancienne doivent leur paraître barbares, mais en l'absence de fer à suturer, je fais au mieux pour que chacun puisse garder l'intégralité de ses boyaux à l'intérieur de son corps.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now