Chantage

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L'homme qui l'avait interpellé le dévisageait d'un air moqueur. Il était appuyé nonchalamment contre un arbre. L'avait-il suivi ? Surveillé ? Depuis quand était-il posté là, dans le parc ? Quoi qu'il en soit, il ne dissimulait pas sa satisfaction de l'avoir surpris. Richard l'observa avec plus d'attention. L'inconnu portait un haut de forme qui ne dissimulait pas de nombreuses mèches blondes indisciplinées. Il était grand, manifestement robuste et de taille élancée. Il se dégageait de lui une impression de puissance, d'élégance et de sophistication. Un mélange détonnant et dérangeant pour Richard. Ses yeux étaient d'un bleu de cristal étonnant et leur couleur étaient accentuée par le costume gris anthracite que portait l'homme. Le Duc remarqua de suite qu'il s'agissait d'habits de bonne facture.

À sa posture, il comprit que cet inconnu n'appartenait pas à la classe des travailleurs. Était-ce un gentleman ? Un avocat ? Se pouvait-il qu'il soit noble lui-aussi ? Et s'il s'agissait de l'un des membres de cette bande d'Irlandais ?

Les paroles de Lord Bradenham lui revinrent en mémoire. Le nom des Mabelthorpe avait été cité lors d'une conversation que le marquis avait eu avec l'un de ses amis. Et il avait reconnu qu'il était surveillé à ce moment-là.

Richard tenta de retrouver une contenance. Il ne devait absolument pas montrer à l'inconnu qu'il était effrayé par son apparition. Il le toisa alors avec mépris et s'adressa à son interlocuteur avec froideur :

— Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler. Par ailleurs, puis-je avoir l'honneur de connaitre votre nom ?

— Mais certainement, Mylord. Je suis Sean Kilkavran, le fils unique du Comte de Rosscahill.

— Je ne connais aucun Comte de Rosscahill.

Le Duc fronça les sourcils. Il n'avait jamais entendu ce titre dans aucune réception, aucun salon, aucun dîner. Et encore moins au Red's. Il connaissait pratiquement tous les membres de l'aristocratie londonienne. Cet homme mentait. Il dissimulait sa véritable identité, c'était une certitude. Richard jeta un rapide coup d'œil dans le parc, à la recherche d'éventuels complices. Non, ils étaient seuls. Mais il était tombé dans un piège, il en avait bien conscience. L'inconnu ne parut pas troublé par la réponse du Duc et répondit avec assurance :

— Mon père ne vient jamais à Londres. Il préfère notre Irlande natale.

— Dans ce cas, pourquoi vous croirais-je ?

— Mon nom a été banni des conversations il y a bien des années. Du moins, des conversations de la bonne société. Il serait inconvenant de choquer les dames. Mais...mentionnez mon père à votre cher ami Oswald Bradenham et vous verrez sa réaction.

— Oswald n'est pas mon ami ! Puisque vous semblez le connaître, vous ne devez donc pas ignorer que ma famille et la sienne fréquentent les mêmes cercles. Maintenant, veuillez me laisser tranquille je vous prie. Je n'ai que faire de vos divagations. Ne m'obligez pas à appeler la police.

Richard effectua quelques pas décidés. Il devait à tout prix s'éloigner de Harrington Gardens. Il ne fréquentait pas ce quartier en tant que Duc de Lymington. Il ne devait pas y être vu. Surtout en compagnie de cet homme inconnu et menaçant. Ce dernier suivit Richard et se posta devant lui, de manière à lui bloquer le passage :

— Mes divagations, vraiment ? Nierez-vous être un client régulier de ce...club ?

— Si c'est de l'argent que vous voulez, je regrette, je n'en ai pas sur moi.

— Je me moque de votre argent, Lord Mabelthorpe.

— Alors pourquoi êtes-vous ici ? Pourquoi m'importunez-vous de la sorte ?

{Sous contrat d'édition} Symphonie irlandaise (version roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant