Marcella commente qu'elle a déjà beaucoup de courbatures dans les cuisses, donc si Ambroise veut faire du ski de rando demain avec George, qu'il y aille. Un peu de repos lui fera du bien. Et puis demain, la météo sera ensoleillée, qu'il en profite.

Est-ce que George connait le risque avalanche ? Un coup d'œil à Météo-France. Risque trois. Tranquille. George n'est pas du tout acclimaté et a eu le covid récemment, donc est facilement essoufflé. Autant faire une course facile. Le col de Laurichard ? C'est pénard. Comme ça, aucun risque de se retrouver bloqué en montagne, et Ambroise de relater la fois, cinq ans auparavant, où lui et George s'étaient retrouvés bloqués par un blizzard sur le glacier de la Meije. Ils avaient dû construire un igloo et attendre trois jours que le temps se dégage. Trois jours avec deux Twix et un Snickers ! Ambroise éclate de rire. George explique qu'il prend maintenant toujours au moins 10.000 calories de nourriture à chaque sortie en ski de rando.

Marcella propose à George de rester pour le diner, et celui-ci accepte volontiers : la compagnie d'Ambroise est toujours bénéfique pour le moral.

***

Le lendemain, le soleil matinal illumine les cimes orientales du massif de la Meije, quand Ambroise et George garent la Dacia au col du Lautaret. Ils mettent les peaux sous leurs skis et s'élancent vers le sud, George en tête.

Une demi-heure plus tard, les voilà au soleil, celui-ci s'étant hissé suffisamment haut, au-dessus des cimes. George marque l'arrêt : « J'enlève ma Goretex, sinon je vais trop chauffer ». Ambroise lui signifie de mettre son Arva sous sa polaire. Il ne faudrait pas que le radio-émetteur se décroche si George est emporté dans une avalanche. On n'est jamais trop prudent. George approuve.

L'approche des combes de Laurichard n'est pas très pentue, la piste est bien marquée, le risque d'avalanche négligeable, les deux skieurs décident de progresser côte à côte afin de discuter.

« Que pense Olga de la situation en Ukraine ? demande soudainement Ambroise.

— Je lui en ai parlé brièvement fin décembre, elle pense que c'est juste le président russe en train de montrer ses pectoraux, et qu'il ne va rien se passer. »

Ambroise éclate de rire. Un rire dont l'écho résonne dans toutes les combes. Il se reprend : « Toi et moi, on sait comment les Russes haïssent les Ukrainiens. Tu te souviens ? Pour Oleg, être Togolais s'était mieux qu'être Ukrainien. » Il éclate à nouveau de rire, puis ajoute soudainement, le plus sérieusement du monde : « Enfin, je rigole, mais je suis prêt à mettre ma main à couper que les Russes envahissent l'Ukraine ce mois-ci. »

George approuve : « Je le pense aussi. La seule de question est de savoir s'ils le font dès samedi matin, après l'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, où s'ils attendent le 21 ou 22 février. »

Ambroise continue : « Ça va être le bordel. Une grande partie de l'Europe est dépendante du gaz russe, mais les Russes sont surtout les seuls au monde à recycler les déchets nucléaires. Sans eux, la filière nucléaire est en danger, et sans nucléaire, impossible d'empêcher le réchauffement climatique. Même la Suédoise Greta Thuneberg est d'accord pour dire que le nucléaire est un mal nécessaire.

— Quand es-tu allé en Russie la dernière fois ? demande George.

— Novembre 2019. Avant le covid. Pourquoi ? .

— Combien de temps te faut-il pour obtenir un visa russe ?

— Par l'ambassade russe d'Helsinki, j'obtiens ça en moins d'une semaine. Je suis un VIP. »

George décide de marquer l'arrêt. Le soleil devient plus fort, il est temps de mettre les lunettes de soleil, autant en profiter pour faire une pause casse-croute. Il pose son sac à dos Mammut sur la neige, et en sort un thermos de thé. Ambroise lui tend un gobelet en caoutchouc, George le sert, puis se sert dans le bouchon du thermos.

L'espion à la fille désenfantéeWhere stories live. Discover now