Chapitre 35 - Comme une trainée de poudre

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J'ouvre la bouche pour riposter, mais je ne sais tout simplement pas quoi répondre. Je déteste me sentir vulnérable, et je déteste encore plus que les autres me perçoivent ainsi. Mais Marco m'adresse un timide sourire et je réalise que sa présence me rassure, même si je refuse de l'avouer à haute voix. Contrairement à moi, Mei ne semble pas voir l'intérêt de cette décision : elle est déjà en train de chercher des poux à son garde du corps. Ce dernier soupire en regardant son collègue d'un air dépité. Ses yeux semblent dire « mauvaise pioche ». Je retiens un petit rire nerveux et continue mon chemin. Je repère rapidement Nema et deux de ses amies. Je les rejoins et la belle haïtienne s'empresse de m'offrir un verre de jus de fruits.

— Alors, cette réunion ?

— Demande à Mei, tu auras un bon aperçu !

— À la voir s'exciter sur ce pauvre Lino, je dirais que ce ne fut pas une partie de plaisir.

— Je ne ferai pas ça tous les jours, c'est certain !

— Le départ est imminent, à ce qu'il paraît ! s'excite une des amies de Nema. Soraya est venue nous annoncer que le Maréchal cherchait des volontaires pour manœuvrer les robots militaires sur place ! Jarod a immédiatement organisé une campagne d'inscription. C'est incroyable, nous avons déjà trente-et-un noms !

— Trente-et-un volontaires ? répété-je. Ça peut paraître peu, mais c'est vraiment encourageant. L'appel au volontariat va être transmis aux douze camps de Brasilia. Peut-être que nous pourrons atteindre la centaine d'inscrits ?

— Je ne sais pas, hésite la femme aux cheveux clairs. Ici, nous vous avons côtoyés, et nous connaissons bien votre histoire. Vous avez su attirer la sympathie d'une partie du campo. Mais ailleurs... je ne vois pas pourquoi ils vous détesteraient moins qu'avant.

— L'histoire de Lyna et Kalen se répand comme une traînée de poudre, la contredit Nema. Et cette triste affaire d'agression aussi. C'est horrible à dire, mais les répercussions sont extrêmement positives. Lyna est devenue une sorte de symbole, et même si beaucoup désapprouvent l'idée d'une alliance, elle n'en est pas moins une personnalité importante. Ses malheurs émeuvent l'opinion publique.

Je pique un fard. Super, je suis donc une sorte d'héroïne follement amoureuse d'un selcyn et qui, pour cette raison, est devenue la cible de terriens pervers, faisant de moi une martyre. Voilà ce que Brasilia retiendra de moi, si ce n'est toute l'Amérisud. Et d'après Nema, le profond sentiment d'injustice qui émane de ma personne est, pour certains, une raison suffisante pour s'engager dans cette guerre. À cet instant, je donnerai beaucoup pour disparaître dans un trou. Marco, mon garde du corps, semble s'en rendre compte, car il se penche sur mon épaule et me murmure :

— Vous êtes l'espoir qui nous manquait, mademoiselle Ferrat. La preuve que le monde peut changer. Vous êtes actuellement le centre de l'attention. Mais bientôt, tous les regards seront braqués sur Cassy-1.

— Les rebelles de Malyan et Ranissa ont compris qu'ils devaient changer leur façon de penser et de vivre, poursuit Nema en m'attrapant la main. Bientôt, nous aussi nous comprendrons que nous devons changer. S'enfermer dans la haine et la rancœur causera notre perte à tous.

J'approuve d'un simple hochement de tête. Un homme d'un certain âge m'adresse un petit salut amical. J'ai subitement l'impression que la plupart des personnes présentes me lancent des sourires en coin, et parfois des signes de la main. Je réponds à certains, mais un immense malaise vient peser sur mes épaules. Est-ce que je deviens parano ? Je veux rentrer dans mon appartement, pourtant, j'ai bien conscience que je dois me montrer sous mon meilleur jour, surtout si les théories de Nema s'avèrent exactes. Je commande donc une planche de toasts et de charcuterie que je partage avec la Brasilienne, ses amies et Mei qui débarque comme une furie. La musique joue de plus en plus fort et j'ai du mal à me concentrer sur les discussions que ma meilleure amie anime avec une ferveur théâtrale. Une goutte de transpiration coule sur ma tempe. Je me lève d'un bond, renversant ma chaise. Nema me scrute avec inquiétude.

Corps étrangers [TERMINÉ] Onde as histórias ganham vida. Descobre agora