Chapitre 34 - Saisir une main tendue

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— Quelqu'un avec un pénis, grogne Jofen en nous rejoignant.

— Je suis content que tu n'en aies pas, lui susurre Sayan à l'oreille. Tu as d'autres atouts.

Nous marquons un temps d'arrêt. Loin d'être gêné, le couple continue de se papouiller comme si nous n'étions pas là. Kalen se racle la gorge et poursuit :

— De toute façon, Malyan est déjà avec le Maréchal, j'ai l'impression qu'elle ne lâche pas sa semelle.

Elle ne le lâche pas d'une semelle, corrigeons d'une seule voix Sam, Mei et moi.

— Elle a dormi avec lui ? demande Mei de sa voix de commère à l'affut du moindre scoop.

— Peu importe. Cette rencontre avec le Maréchal est de la plus haute importance. Nous avons besoin de conseils stratégiques et de toutes les informations que lui et le Président ont pu récolter. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire durer notre présence en ces lieux. Ce matin, la femme du réfectoire m'a fait comprendre que les résidents travaillaient au bon fonctionnement du camp pour mériter leurs repas.

— Cette vieille grincheuse ? s'indigne Sam. Je ne suis même pas étonnée !

Je soupire. Vingt-quatre jours avant que le Consul ne mette en œuvre ses menaces. Mais je commence à croire que nous ne pourrons pas attendre la fin du décompte sans ruiner tous nos efforts de cohabitation. C'est la gorge serrée que je tente d'avaler ma portion de brioche, avant de tout bonnement abandonner.

Nous commençons à nous préparer pour rencontrer le Maréchal Silva. Kalen me suit comme mon ombre, même sous la douche, ce qui n'a rien de désagréable soit dit en passant. Ses lèvres couvrent mes joues et mon cou de baisers tandis que sa main me retient fermement contre lui. Je l'entends parfois prononcer mon prénom. Lorsqu'il me relâche pour se laver à son tour, j'en profite pour lui masser le dos. Les mains appuyées contre la faïence, il semble se détendre (du moins autant que le peut quelqu'un comme lui dans sa situation actuelle). Je continue à presser ses muscles, à faire rouler sa peau sous mes doigts, jusqu'à ce que Sam nous hurle qu'elle nous tuera si nous finissons le ballon d'eau chaude. Pile au moment où le jet commence à rafraîchir. Oups.

Nous avons fini le ballon d'eau chaude et subi les foudres de la lieutenante. Elle a bougonné tout le long du chemin, nous signifiant qu'elle en avait assez d'être constamment la dernière roue du carrosse et que nous ferions mieux de penser à un moyen de survivre plutôt que nous tripoter sous la douche, blablabla. Mei a tenté de faire diversion avec son humour décapant, mais ça l'a encore plus énervée.

Cependant, sa colère s'est subitement volatilisée quand nous avons franchi le seuil du salon de Duarte. La simple vue du Maréchal installé à une extrémité de l'immense table en bois a réveillé tous ses réflexes de militaire et le salut qu'elle lui adresse est millimétré. Je dois reconnaître que cet homme a un charisme renversant et qu'il inspire le respect, mais Mei et moi sommes visiblement moins sensibles à l'autorité naturelle qui émane de sa personne (surtout Mei qui ne se départ pas de sa moue moqueuse). Malyan, assise à côté du chef militaire, le dévore des yeux de la façon la moins subtile possible. Silva, sourcils froncés, se contente de regarder partout sauf dans sa direction. OK, c'est assez gênant.

Nous prenons place autour de la place. Kiodo, Merylt et Aston nous rejoignent rapidement. La pièce est remplie de soldats de Faraday-51 armés jusqu'aux dents. Alors que je commence à me demander ce que nous attendons pour commencer nos discussions, une dernière personne nous rejoint. Ma bouche s'ouvre de stupeur. L'homme à la peau sombre qui s'avance, entouré de gardes du corps, est le président Whiteman, en chair et en os. Son pas est hésitant, et son visage traduit un certain émoi. Il s'installe en bout de table, à l'opposé du Maréchal. Les deux hommes se regardent d'un air entendu, comme s'ils avaient une conversation silencieuse. On pourrait entendre une mouche péter. Les selcyns sont parfaitement immobiles dans une attitude blasée. Ils sont habitués à attendre que le chef le plus haut placé de la pièce prenne la parole, et ils ont identifié le Maréchal Silva comme tel. Cette constatation gonfle ma poitrine d'espoir. Nous pouvons arriver à nous entendre et à coopérer. Cependant, ce n'est pas le militaire qui met fin au silence, mais le politicien. Il nous dévisage les uns après les autres, puis se redresse et pose ses deux paumes sur la table.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now