Chapitre 32 - Se détourner du droit chemin

Start from the beginning
                                    

— Mei, pourquoi tu parles pas ? Tu sais, Lola va préparer beaucoup de caïpirinha. Il y aura aussi de la cerveja et des jus de fruits.

— N'en dis pas plus, princesse ! la coupe mon amie avec un léger sourire. Musique, boisson, chaleur. Voilà exactement ce qu'il nous faut. Allons accrocher tes tissus aux arbres.

Je ris en les regardant démêler tant bien que mal les longs rubans aux couleurs chaudes. Je commence à déplacer les tables et les chaises sous la direction de Nema. Puis je rejoins l'adolescente qui œuvre au bar pour essuyer les verres. Tout se déroule pour le mieux dans une ambiance conviviale. Nous partageons un déjeuner sur le pouce avant de nous remettre au travail, accompagnés des notes des trois musiciens en pleine répétition. Je propose naturellement d'aller récupérer une caisse de verres supplémentaires au réfectoire situé à l'autre bout du camp. La chaleur est extrême et je suis en train de me dire qu'une douche me ferait le plus grand bien quand une main agrippe fermement mon poignet pour me tirer sur la droite. Je n'ai pas le temps de comprendre ce qui m'arrive que je me retrouve plaquée ventre contre le mur, le bras douloureusement maintenu dans mon dos. Je gémis en me débattant. Mon agresseur ricane en me tirant les cheveux pour me faire basculer la tête en arrière. Je sens son souffle dans mon cou.

— Alors voilà donc la chienne de ces aliens... tu dois sacrément aimer ça pour t'offrir à ces monstres !

— Lâchez-moi !

Je dirige mon pied vers ses tibias avec toute la force dont je suis capable. L'homme, surpris, relâche la pression et j'en profite pour me retourner et lui coller une droite dans la mâchoire.

— C'est qu'elle sait se défendre, la catin !

Purée de chiotte, deux autres hommes sortent du bâtiment par une petite porte de service, et l'un d'eux s'amuse avec une barre métallique. J'écarquille les yeux en repensant à Nema et son histoire. Est-ce que ces hommes sont ses agresseurs ? Ont-ils l'intention de me réserver le même sort ? Évaluant en vitesse la configuration des lieux, je me mets en position de combat, prête à saisir la première opportunité pour détaler. Le plus grand des trois s'approche pour tenter de m'attraper, mais je me défends et parviens à le faire reculer. L'homme à la barre de fer ricane, mais ne bouge pas. Son complice retente sa chance, mais mes années de boxe et mes récentes améliorations physiques jouent en ma faveur. Mon poing atteint sa joue, puis son épaule tandis que mon pied le repousse violemment. Voilà qui m'ouvre une brèche et je commence un sprint dans l'étroit passage. Mes agresseurs, surpris, me crient quelques insultes avant de s'élancer à mes trousses. Je cours comme si ma vie en dépendait, ce qui est possiblement le cas, mais le sort s'acharne, et je déboule dans un cul-de-sac. Je grogne de rage devant la grille qui me barre la route. Mes trois copains me rejoignent rapidement, et toute trace de cynisme a disparu de leur sombre visage. Je recule, acculée dans ce coupe-gorge. J'ai l'impression que les murs se resserrent autour de moi et ma tête se met à tourner.

— On va te faire crier, ma belle, susurre l'un d'eux en mimant un mouvement obscène.

Mon sang se fige dans mes veines, la peur me paralyse et je n'arrive plus à former une pensée cohérente. Ces hommes veulent me salir. C'est la deuxième fois que je me retrouve dans une situation pareille, et la précédente, Mei m'avait secourue. Cette fois, je suis seule et isolée. Je sais que je dois me défendre, mais c'est comme si mon corps s'était mis en veille. Je tremble, ils le remarquent et s'en réjouissent. Ils approchent lentement, savourant chaque pas qui les rapproche de l'enfer qu'ils comptent me faire vivre. Le crâne rasé à la barre de fer est déjà à mon niveau. Il tire sur la bretelle de mon débardeur ocre, et là, je sors subitement de mon état de transe. Je l'attrape par les cheveux et propulse sa tête contre le bitume fissuré. Surpris tant par mon geste que par ma force, il n'a pas le réflexe de se retenir et le choc est d'une grande violence. Je crois entendre ses dents voler en éclat. Puis je lui assène un violent coup de pied dans les côtes et me déplace pour faire face au second type. Moins téméraire après avoir assisté à mon coup d'éclat, il recule prudemment. Mais je le rejoins en trois bonds et tourne sur moi-même pour lui planter mon pied dans la face. Le coup n'est pas assez fort pour le mettre K.O, mais a le mérite de le déséquilibrer. Je n'ai qu'à tendre mon poing pour le faire tomber. Je vois du coin de l'œil le dernier type tenter de prendre la fuite par l'étroite allée d'où nous sommes arrivés. Mais sitôt hors de ma vue, je l'entends crier et vois son corps revenir vers moi sans toucher le sol. Qui possède une force suffisante pour soulever et jeter sur plusieurs mètres un gaillard de cette carrure ? La réponse ne tarde pas à m'apparaitre : Kalen ! Et il n'est pas seul. Duarte et Jofen l'accompagnent, ainsi que deux soldats armés. Je me réfugie en courant derrière mon compagnon, les trois agresseurs sont à terre et ne cherchent pas à s'enfuir. Duarte nous fait signe de partir. Kalen ne bouge pas d'un centimètre, le corps tendu, prêt à bondir.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now