Chapitre 30 - Faire le premier pas

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30 août 2289 - Campo Santa Maria, Papuda

— Tu as bien fait, mon amour ! m'exclamé-je. Tu savais que, malgré les discours de Duarte, nous ferions face à la haine des habitants du campo, n'est-ce pas ?

Voyant mon Kalen soupirer de découragement, je m'installe à califourchon sur ses genoux et passe mes bras autour de lui. Aussitôt, il glisse son visage dans mon cou. Le contact de ses lèvres et de son nez me donne des frissons.

— Ils vont changer d'avis quand ils verront Nema, murmuré-je, attristée par son abattement.

— Que se serait-il passé si elle n'était pas intervenue ?

L'idée d'offrir des soins aux Brasiliens était vraiment brillante. Mais dans son élan d'optimisme, mon chéri n'avait juste pas prévu que la méfiance des habitants de Papuda serait si intense. Si Nema n'avait pas insisté pour tester le flaster, je ne sais pas où nous en serions aujourd'hui. En tout cas, l'ouverture du campo aux Temens a été repoussée jusqu'à nouvel ordre.

Après une arrivée sous haute tension, les Brasiliens se sont apaisés en réalisant que plusieurs des leurs étaient en discussion avec les chefs selcyns. Mais lorsque Duarte a regagné l'enceinte de la prison pour transmettre la proposition de Kalen, approuvée par les deux Temens, j'ai cru qu'un soulèvement ferait voler tous nos espoirs en éclats. Nema a été huée, la moitié des habitants a regagné rageusement ses quartiers. Quant à l'autre moitié, elle était composée de quelques individus prêts à laisser le bénéfice du doute à leurs nouveaux invités. Des proches de personnes malades, pour la plupart, ceci explique cela. Duarte aurait préféré se contenter des crèmes médicinales proposées par un des Temens, mais pour la jambe de Nema, seul le flaster peut se révéler efficace. J'ai été un peu vexée que Jarod ne se montre pas plus enthousiaste, mais à la réflexion, je comprends. Et l'essentiel étant qu'il a fini par soutenir sa compagne, même si je pense qu'elle se serait passée de son accord de toute façon.

— Quand elle reviendra avec une belle jambe bien droite et sans boiter, les autres en resteront sur les fesses, soufflé-je dans l'oreille de mon compagnon.

Son frémissement me procure une certaine satisfaction, et je m'attaque à sa bouche, délicieuse drogue dont je suis devenue accro. Kalen me rend mon baiser, scellant ses lèvres chaudes aux miennes. Je fonds.

— Si vous pouviez arrêter de vous inspecter les amygdales deux minutes, on pourrait peut-être aller voir où ça en est avec Nema ? propose Malyan d'une voix sans émotion. Ça fait bien trente minutes qu'elle est entre les mains de Sayan, et je ne l'entends plus pleurer depuis un moment.

Mon cœur se soulève. Ce moment a été horrible, et je réalise que je ne suis pas encore totalement remise de mes émotions. Pour « réparer » le genou de Nema, il a fallu lui rebriser, dans un premier temps. Sayan, en bon professionnel de la biologie humaine, a voulu s'en charger. Je l'ai aidé en donnant des instructions précises, radiographie à l'appui, avant de sédater la jeune femme. Un dosage très léger, afin de pouvoir enchaîner avec le flaster sans attendre, mais qui, du coup, n'a pas totalement anesthésié la douleur. Sayan a provoqué une nouvelle fracture sous les cris de Nema. Puis j'ai repositionné au mieux la rotule, en tâchant de ne pas me laisser perturber par les gémissements et les pleurs de la Brasilienne. Mes bras se couvrent de chair de poule en y repensant.

Kalen me soulève de ses genoux et me repose à terre. Main dans la main, nous nous dirigeons vers l'infirmerie. Sayan et un Scinas du vaisseau sont restés avec Nema, mettant tout le monde dehors. En toquant à la porte, je m'attends à me faire refouler, comme les deux fois précédentes, mais ce coup-ci, il me laisse entrer. Son collègue n'est plus là. Kalen me fait comprendre qu'il m'attend dans le couloir.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now