Chapitre 01

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Quelques mois plus tôt


— Je dois y aller, murmurai-je à Kaÿan en m'asseyant sur le bord du grand lit.

Je repoussai la couverture et me penchai pour ramasser ma culotte qui trainait par là.

— Tu dois y aller pour quoi faire ?

Je le regardai par-dessus mon épaule. Assis contre la tête de lit, le drap au niveau de sa taille, il se pencha pour attraper son paquet de cigarettes sur la table de chevet. Il passa sa main devant son visage pour chasser ses boucles noires de son front.

— Tu as une réunion dans trois heures, tu te souviens ?

J'étais certaine que ça lui était totalement passé par-dessus la tête. Je ne connaissais pas un homme plus paresseux, à la bourre et négligeant que lui. Alors qu'il se rappelle de la réunion qu'avait planifiée Mère deux jours plus tôt, invoquant ainsi tous les hauts dirigeants du monde obscur... j'en doutais fort. J'enviais presque sa liberté à faire ce que bon lui semblait, cela dit !

— Et tu ne devrais pas fumer à l'intérieur de la chambre. L'odeur ne partira jamais, lui fis-je remarquer.

Il regarda son briquet ainsi que sa cigarette prise entre ses lèvres. Il leva les yeux dans ma direction, un sourire craquant en coin.

— Tu détestes à ce point que je fume ?

Ce n'était pas la première fois que je lui disais. Qu'il soit un fumeur ne me dérangeait pas. Il faisait encore ce qu'il voulait. Ce n'était pas comme si je n'étais pas habituée à l'odeur... Seulement, ce qui m'inquiétait, c'était plutôt la mauvaise manie qu'avait la vieille qui me servait de mère à fouiller dans mes affaires. Il lui en faudrait peu pour comprendre que cette odeur venait de Kaÿan.

— Rien qu'à l'odeur de ta cigarette ma mère saurait que je fricote avec toi. Imagine sa réaction en découvrant avec qui je passe mes nuits ?

— Hilarante ? Elle nous donnerait sa bénédiction, souriant comme jamais, suggéra le chef de meutes en haussant un sourcil, feignant l'innocence.

— Elle me truciderait, Kaÿan. Elle me truciderait sur la place publique, tout simplement. Et si tu lui laissais ne serait-ce qu'une chance, elle te castrerait.

— J'ai toujours admiré la sagesse de cette femme !

— Et moi donc ! ricanai-je.

Les sorcières, toutes autant qu'elles étaient, l'admiraient, la craignaient, l'enviaient. Elle était un symbole de puissance à elle seule. Une force de la nature à l'état brut. Aussi têtue qu'un crâne vide, ma mère s'était imposée en tant que Mambo auprès des sorcières vaudou. Puis, toujours plus avide de pouvoir et de magie, elle avait, comme ma grand-mère, revendiqué le titre de Grande Prêtresse.

J'aurais aimé la regarder avec cette même admiration. Malheureusement, il avait fallu que je côtoie trop souvent à mon goût son côté tyrannique. Tout de suite, c'était bien moins charmant.

Après, me dira-t-on, qu'y avait-il de charmant dans un squelette périssant à vue d'œil ?

Kaÿan me fit tomber à la renverse, sur le dos. Son visage apparut au-dessus du mien.

— Partir trois heures à l'avance, c'est abusé, si tu veux mon avis. Surtout qu'hier soir, tu t'es fait désirer.

Comment lui expliquer que ce n'était pas tout le monde qui avait la chance de déléguer le sale boulot qu'on lui filait et dont il n'avait pas envie ? Kaÿan se trainait une réputation de flemmard. Réputation qu'il prenait toujours le soin de redorer le blason avec fierté. Et pourtant... cet homme dégageait une aura effrayante, horrifique. Après tout, n'était-ce pas lui qui s'était imposé sadiquement auprès des hauts dirigeants des deux races dont il était issu, devant alors chef des loups-garous et des démons rôdant sur ce continent ?

Mambo Rouge - T01Where stories live. Discover now