Mais bon, pour la première fois, je gère ma vie de manière indépendante, sans me crever à la tache, avec un job incroyable et une ambiance famille, et surtout sans rien devoir à mon père ! Complètement inespéré !

La série que nous tournons est destinée aux adolescents et jeunes adultes, ce qui fait que le public est très présent, passionné, et la plupart du temps, adorable.

Je relève la tête vers le ciel avec un petit sourire. La brume tarde à se dissiper, ma respiration haletante commence à se régulariser, mais laisse tout de même quelques buées s'échapper de mes lèvres entrouvertes. Il doit faire à peine cinq degrés. Pas étonnant à Vancouver pour un début de printemps. J'adore cette ville, et tout ce qui s'y rapporte, pour moi, c'est le dépaysement total. On aurait pu croire que de par mon rang et ma position, j'aurais voyagé à travers le monde. Mais pas du tout. J'ai l'impression que toute mon existence, on m'a enfermée à double tour. Depuis que je vis au Canada, je revis ! Ici tout est immense, brut, et rude, aussi. Pour le peu qu'on s'éloigne un peu de la ville, la nature est sauvagement éblouissante, les couleurs chatoyantes se transforment en infini. Rien d'autre à l'horizon que le parfum de la liberté.

Je frissonne et me dandine sur place dans le vain espoir de parer au froid glacial qui s'insinue au travers de ma parka. OK, la fine bruine qui me tombe sur le coin du nez ne fait pas partie des choses que je préfère au Canada, mais quand même, je m'y plais suffisamment pour imaginer y vivre définitivement.

— Est-ce que Gaby et Matt vont sortir ensemble avant la fin de la saison ?

La voix de crécelle d'une des jeunes filles me sort de mes songes. Elle triture ses deux mains, et me regarde avec un espoir non feint, comme si sa vie en dépendait.

J'ai envie de lui dire de s'en trouver une, de vie, avant de me rappeler comme je me languissais il n'y a pas si longtemps, devant mes héros de série télé. Malgré tout, je ne peux m'empêcher de grimacer. Gabrielle est mon personnage dans la série, Matthew, son professeur. Pour le moment, rien n'est prévu, et j'en suis ravie. Parce que Gabrielle et Matthew ensemble signifierait que je doive poser mes lèvres sur celles de Cameron Williams, et là, je mets mon véto. Purement fictionnelle vu que je n'ai pas mon mot à dire. Mais disons que malgré notre pseudo alchimie, ça risquerait en effet de faire des étincelles, mais pas dans le bon sens du terme : dire qu'on n'a pas d'atome crochu est un véritable euphémisme. Lui et moi dans la même pièce, c'est déjà invivable, alors s'il devait me toucher... beurk. Enfin, pas beurk dans le sens où il est repoussant. Non, l'extérieur est plutôt attrayant, c'est tout le reste qui cloche.

Les jeunes filles semblent attendre désespérément une réponse. J'affiche un faux sourire et leur répond en riant :

— Désolée, je n'ai pas le droit d'en parler !

Je parviens à m'échapper tandis qu'elles continuent de m'assaillir de questions, mais je m'arrête quelques secondes avant de pousser la porte fatidique, histoire de reprendre un peu mon souffle. Je pénètre enfin dans les studios, et me retrouve face à une bonne dizaine de paires d'yeux qui me scannent, dans un silence assourdissant. Je viens visiblement d'interrompre une scène. Ma main se perd nerveusement dans ma chevelure bouclée que je n'ai pas eu le temps d'apprivoiser, et je lâche un :

— Désolée...

— Mais je t'en prie Eden, c'est très gentil de nous faire profiter de ta présence, il ne fallait pas, vraiment !

OK, c'est plutôt mal parti, Brian a l'air furax.

— Brian, elle se met juste dans la peau de son personnage ! Gaby est toujours en retard, se marre Eliott, un autre des acteurs de la série.

Le rôle de ma vie...Where stories live. Discover now