Chapitre 22 - Enterrer la hache de guerre

84 16 29
                                    

Nous passons plusieurs heures à raconter à nouveau notre histoire au Maréchal Silva et à ses gradés. J'en ai plus qu'assez de toujours répéter la même chose, mais prends mon mal en patience. Au moins cette fois-ci, j'ai l'impression que mon interlocuteur est réceptif. Je dirai même que nous avons pour la première fois affaire à quelqu'un qui semble prendre la pleine mesure du désastre qui s'annonce. Le chef des armées de Nations Unies nous confirme que le Général Muzhi s'est autopromu Maréchal (rien d'étonnant, ce type à l'air d'avoir un ego plus massif que l'Everest), et que les communications sont totalement coupées avec les Faradays un à onze ainsi qu'avec deux bases d'Amérinord.

— Je vais informer mes généraux en leur donnant le maximum de détails, fait enfin Silva. Il me paraît nécessaire d'enterrer la hache de guerre avec les opposants selcyns qui œuvrent pour la paix. Nous avons besoin d'eux pour neutraliser la menace de l'arme noire et ils ont besoin de nous pour stopper la folie de Muzhi.

— Oui, c'est ça, murmure Malyan. Nos deux espèces ont besoin l'une de l'autre pour survivre.

Le Maréchal l'observe avec attention, mais la belle selcyne ne lui rend pas son regard, toujours choquée par les images de Cassy-1.

— Voilà qui ne va pas être facile à entendre pour beaucoup d'entre nous, poursuit-il d'une voix plus douce. À commencer par le Président Whiteman. Son soutien nous sera pourtant indispensable.

—Whiteman ? répété-je, choquée. Le président des sept États-nations ?

— Lui-même, me répond Sam d'une voix tranquille.

— Il est encore en vie ? m'étonné-je. Je n'ai jamais entendu parler de lui depuis... eh bien depuis le Grand Chaos.

— En tant que cheffe des civils et personnalité puissante, James Whiteman a été évacué dans une base Faraday dès le début de l'invasion, m'explique Silva. Malheureusement, sa fille était hospitalisée pour une greffe de poumon quand la société s'est écroulée. Madame Whiteman est restée au chevet de la gamine. Sans électricité, cette dernière n'a pas survécu à sa greffe. Et le convoi censé conduire madame Whiteman jusqu'à la base de Johannesburg après ce drame s'est fait attaquer par des pillards. Elle a été tuée par des humains, mais le Président tient les selcyns pour fautifs. Il n'a pas entièrement tort, je dois le reconnaître.

Sur ces mots, il adresse un regard appuyé à Kalen. Je m'empresse de lui saisir la main en signe de soutien. Ce geste provoque chez le gradé un haussement de sourcil surpris. Je me fiche de ce qu'il pense. J'ai l'impression de devenir aussi hargneuse que Mei quand il s'agit de Kalen. D'ailleurs, je croise le regard de ma meilleure amie qui semble me dire « je suis fière de toi, sale peste » ! Elle enfonce le clou en prenant la parole :

— Pour reprendre vos mots, Maréchal, il est temps d'enterrer la hache de guerre et de se serrer les coudes.

Malyan regarde les siens (de coudes) avec perplexité. Jofen ricane silencieusement, ravi de ne pas être celui qui n'a rien compris. La rebelle fronce les sourcils, contrariée. Ce malentendu semble toutefois la sortir de sa torpeur, puisque pour la première fois, elle pose ses yeux sur le Maréchal. Son visage reste neutre, mais anormalement figé. Je me demande ce qu'elle pense de l'homme que je lui ai présenté comme notre potentiel sauveur.

— Enterrons cette fichue hache au plus vite, déclare calmement Sayan. Nous ne savons pas quand Muzhi compte agir. Et les selcyns sont devenus une proie facile avec l'arrivée de Cassy-1 sur le sol terrestre.

— Pensez-vous que votre Président pourrait nous mettre des barres dans les roues ? demande Kalen dans un effort d'intégration.

— Des bâtons, lui chuchote Mei.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant