Chapitre 1 : Inspiration

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« Ne bougez pas ou je tire, je vous jure que je vais tirer ! »

Une mère posa une main contre les yeux de son enfant, l'étreignant de son bras libre, tandis qu'un père pris sa fille dans ses bras, en lui chuchotant de se taire alors que ses sanglots résonnaient dans la pharmacie.

L'homme devant le comptoir, agité de spasmes, tenait en joue la vendeuse qui gardaient ses mains haut dessus sa tête. Après un moment de silence, il reprit la parole :

-« Je... je veux... »

Une violente quinte de toux l'empêcha de terminer sa phrase.

« Donne moi... un masque et quinze cartouches. Non, non, vingt. Donne m'en vingt ! »

Quelques uns des otages s'échangèrent des regards agacés. « Évidemment, il veut des cartouches filtrantes. » La teinte violacée qui couvrait ses bras et ses joues et son masque rafistolé ne trompaient personne : cet homme était pourri par le poison jusqu'aux os. Au vu de ses tremblements, il était même à un stade bien trop avancé pour que des cartouches purifiantes ne retardent sa mort, ou alors seulement de quelques jours, tout au plus. Son masque, visiblement fabriqué par ses soins, contrastait avec ceux qui couvraient les visages de toutes les personnes présentes dans la pharmacie. Malgré quelques différences de forme et de couleur, ces derniers étaient similaires, et conformes aux normes de sécurité.

Alors que la vendeuse s'exécutait et sortait des boîtes d'une main tremblotante, un vieil homme, le bas du visage couvert d'un masque en plastique dont la buée brouillait ses traits, souffla et haussa le ton.

« - Allez donc mourir ailleurs, jeune homme ! »

Les sanglots de la petite fille, à peine calmés, reprirent de plus belle. Son père maintenait une main appuyée sur son petit masque, pour le tenir en place ou, peut-être, essayer d'atténuer le bruit qu'elle faisait.

-« Monsieur, il est instable, chuchota une femme à l'homme ayant pris la parole. Ne vous mettez pas en danger pour quelqu'un comme... Comme ça.»

Le voleur ne réagit pas à l'agitation naissante derrière lui, trop préoccupé à tenter de reprendre son souffle entre chaque toux. Il s'aggripait au comptoir de sa main droite, dont les phalanges blanchissaient sous la pression. Tandis que le hurlement d'une sirène s'approchait, il arracha une boîte des doigts de la pharmacienne, la déchira, et en sorti une cartouche métallique. Il l'accrocha hâtivement à son masque, et pris une lente inspiration. Sa toux s'arrêta, et son souffle devint plus régulier. Des cris se faisaient entendre dans la rue, et trois policiers entrèrent soudain dans la pharmacie, reconnaissables à leur uniforme et leur imposant masque intégré à un casque qui ne laissait entrevoir que leur yeux. Avant même que l'homme infecté ne réagisse, il était déjà fermement maîtrisé par les forces de l'ordre, qui le traînèrent au sol. En se débattant, le masque de fortune du jeune homme glissa de son visage et il se mit à hurler de douleur, implorant que quelqu'un le lui remette.

La porte automatique se referma sur eux et sur les cris avec le tintement de la clochette accueillant normalement les clients, laissant un instant de silence dans la pharmacie. Celui ci fut suivi de murmures devenant rapidement des discussions, dans lesquelles se mêlaient indignation et soulagement. La file devant la caisse reprit alors progressivement sa forme, et la vendeuse prit en charge le premier client.

Comme s'il ne s'était rien passé.

Restée en retrait lors de l'altercation, une jeune femme patientait dans la file. Son sac de course, bien que grand, était tellement rempli que des bocaux de verre menaçaient de tomber, et elle devait se pencher légèrement sur le côté pour réussir à le porter. Après avoir acheté des seringues et un paquet de cartouches purifiantes, elle entama la route la menant chez elle, en laissant ses yeux se perdre sur les murs de la ville. Une affiche publicitaire était récurrente, faisant la promotion de la dernière création d'une entreprise avec le slogan :
« Libérez vous de la peur, protégez vous au mieux du fléau pourpre ! »
encadrant l'image d'une panoplie de masques couvrant les visages souriants d'une famille. Un coin de l'affiche présentait l'innovation : un masque au bord en silicone épousant la forme du visage et maintenu par des sangles, assurant « une étanchéité parfaite en toutes circonstances ». Plus loin, un écran présentait le même produit en vantant sa sécurité pour enfant, montrant un petit garçon essayant de l'arracher de son visage sans succès. Traînant toujours son sac d'une main, Ailana passa rapidement son index libre le long du bord de son masque, un réflexe rassurant acquit au fil de années. Son père lui avait souvent répété que ce geste était inutile, car elle sentirait immédiatement ses poumons brûler si son masque se détachait. Lui avait connu l'arrivée du poison pourpre, comme en témoignait les quelques veines violacées visibles sur ses joues. Il les partageait avec tous ceux étant nés avant que les masques ne deviennent permanents.

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