Chapitre 11 - La lumière au bout du tunnel

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D'après le bruit, je dirai que Jofen tambourine sur la paroi comme un sauvage. Tant pis, il doit retrouver Sayan et sauver sa vie, leurs vies à tous. Je me retourne vers les selcyns rebelles. Ils me dévisagent avec une pointe de surprise. Je suis toujours en culotte, ma jambe devient violette et de plus en plus douloureuse, mais je les informe que je compte retrouver Kalen. Ils acceptent, en silence, aussi enthousiastes que des mollusques dépressifs. Ils s'habitueront à moi. Je ne regrette rien. Du moins, les dix premières minutes. Ce laps de temps écoulé, je dois me rendre à l'évidence : je n'arrive plus à suivre le rythme.

L'un des hommes me porte sur son dos, mais leurs poursuivants retrouvent notre trace. Commence une course poursuite aussi intense que brève dans les couloirs de Cassy-1. Trois d'entre nous parviennent à s'échapper, je ne sais comment. Le reste du groupe dont je fais partie se fait encercler. La femme impatiente de tout à l'heure tente de lever son arme, mais elle se fait froidement descendre. Les quatre rebelles restants jettent leurs armes au sol, dépités. Mais moi, je n'arrive pas à détourner mon regard du cadavre qui gît devant nous. Les Borls nous arrêtent, je n'ai ni la force ni le courage de riposter. C'est à peine si je réagis quand je me retrouve séparée des autres. Nos adversaires n'ont aucun égard pour le corps sans vie de leur compatriote, ils se contentent de l'enjamber. Avec ma blessure réveillée, je peine à avancer, mais cette fois, personne ne me portera. Je me retrouve projetée au sol, puis remise sur mes pieds et violemment tirée en avant. Chaque pas est une torture. Le baume de Malyan a peut-être refermé mon épiderme, mais ce qui se passe en dessous ne doit pas être bien beau, car ma cuisse est à présent couverte d'un immense hématome violet-noir et la douleur est bien trop vive. Je tombe, vacille, trébuche pour finalement finir au bord du malaise. Seulement à ce moment-là, un des soldats consent à me porter. Trop tard, mon esprit est déjà en train de se faire la malle. Je vais probablement être exécutée à la place de Mei. Peut-être même que je ne me réveillerai jamais. Mes dernières pensées vont à Kalen. Nous nous retrouverons de l'autre côté...

J'ai trop mal pour être morte, c'est certain. Je douille un max. Je m'entends pousser un gémissement plaintif alors que mes neurones se remettent en fonctionnement. Outch, dans quel état vais-je retrouver ma jambe ? Je tente de m'étirer tout en battant difficilement des paupières. Oh, crotte ! Je souffre tellement qu'un râle grave et pitoyable m'échappe. Tiens, encore un... Mais... ce n'est pas moi qui grogne comme ça ! Ce petit coup de pression me sort de ma torpeur et je me redresse du mieux que je peux pour observer ce qui m'entoure. Je suis à nouveau dans une cellule aux murs lisses et gris. Aucun meuble, juste des toilettes selcynes. Légère toux... mon compagnon de cellule est derrière moi. Je me retourne lentement en serrant les dents pour m'empêcher de crier. Les élancements en provenance de ma cuisse sont à la limite du supportable. M'aidant de mes mains, je me recule pour mieux pivoter. Des pieds m'apparaissent, puis des genoux repliés et à ce moment, tout mon être comprend. La seule douleur qui persiste est celle de mon cœur et en moins d'une seconde, je me retrouve agenouillée auprès de mon codétenu. Visage tuméfié, main droite brûlée, légères convulsions... Kalen a souffert bien plus que moi. D'une main tremblante, je caresse ses cheveux, effleure son bras. Je le sens tressaillir, et ses yeux luttent pour s'ouvrir.

— Kalen, c'est moi, c'est Lyna. Je suis là, avec toi. Je ne te laisserai pas.

Un râle d'agonie me répond. Bon sang, mais qu'est-ce qu'ils lui ont fait ? Lentement, je soulève le haut de mon compagnon pour établir un début de diagnostic. Pas d'hématome inquiétant, aucune réaction ne laissant penser à des fractures, pas de blessures externes visibles, si ce n'est une coupure bénigne. Son rythme cardiaque est bien trop rapide, et il est fiévreux. Infection ? Sans être pleinement conscient, Kalen réagit tout de même à ma voix, à mon contact. Aurait-il été drogué ? Sa brûlure à la main ne me dit qui rien qui vaille. Les grosses cloques purulentes qui s'y sont développées sont vraiment vilaines à voir. Ignorant ma propre blessure (avec beaucoup de mal), je me précipite vers le petit évier de la pièce. Mais aucun liquide ne semble vouloir s'en échapper. Purée de chiotte, Kalen a besoin de s'hydrater. Je boitille jusqu'à la porte pour la marteler de coups de poing et balancer tous mes plus beaux noms d'oiseaux. Rien ne se passe. Je retourne donc auprès de mon blessé. Il continue de s'agiter, des gouttes de transpiration perlent sur son front. Il lui faut un anti-inflammatoire de toute urgence. Impuissante, je le contemple un instant, à la fois heureuse de l'avoir retrouvé, et terrifiée par la gravité de son état.

Corps étrangers [TERMINÉ] Donde viven las historias. Descúbrelo ahora