Chapitre 45 - Tomber dans l'oreille d'un sourd

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Jofen fixe Mei. J'imagine qu'il s'en veut, mais son manque d'expression faciale est mal interprété par ma brunette préférée, et elle choisit de l'ignorer royalement. Sam se place à côté de Kalen (trop près à mon goût) et va droit au but.

— Tu as pu joindre quelqu'un ? lui demande-t-elle.

— Seulement Cassy-1, soupire-t-il. Sans surprise, l'appel a rompu le bouclier du mode furtif, et je me tiens prêt à un décollage d'urgence. Je n'ai pas eu d'autres choix : les communications étrangères vers les bases selcynes sont totalement coupées. Mesure de sécurité imposée par Goharin, le bras droit du Grand Consul.

— Pourquoi dit-on bras droit, et pas bras gauche ? marmonne Sayan pour lui-même.

— Qui c'est, celui-là ? demande Sam en ignorant les questions existentielles de notre scientifique.

— Goharin est un grand Scinas, explique Jofen. C'est lui qui a découvert l'existence de la Terre et, c'est également lui qui a contribué à la création de l'arme noire.

— Pas une grande réussite ! grommelle Mei.

— En effet, c'est pourquoi il ne voulait pas l'utiliser, poursuit Sayan. Il pensait, à raison, qu'elle avait encore besoin d'amélioration. Il en était tellement convaincu que, voyant que le Gouverneur ne changerait pas d'avis, il a mis en place le projet Bleiselcyon, qui signifie « l'ombre de Selcyon ». Le projet de fuite vers la Terre.

— Et qui est devenu le nom de votre capitale, rajoute Sam. Mais si Kalen et Lyna disent vrai, elle ne sera bientôt plus qu'une immense plaie dans le paysage.

— La communication a brisé notre bouclier, le temps nous est compté, grogne Jofen. Mon frère, tu dis avoir réussi à joindre Cassy-1. Que dit le Grand Consul ? Ne devrions-nous pas fuir immédiatement ?

— Je n'ai parlé qu'à un simple Borl, le Grand Consul dormait. Je l'attends pour lui donner des détails.

— Un Borl ? demande Mei.

— La caste des soldats, fait Jofen en essayant d'accrocher le regard de mon amie, qui continue à l'ignorer en retour. Notre peuple fonctionne selon un système de castes et...

— Il est vingt-deux heures et vingt-cinq minutes, m'agacé-je en coupant Jofen dans ses explications. Voilà plus de vingt minutes que tu as donné l'alerte, Kalen. Je sens le piège... On devrait bouger !

— Regardons sur les radars s'il y a du mouvement sur Bleiselcyon, propose Sayan tout en se mettant à pianoter la surface tactile.

Nous sommes suspendus à ses doigts. Je vois du coin de l'œil Kalen rentrer sa tête dans les épaules. Son teint est si pâle ! Je pose une main sur sa nuque et le sens frémir légèrement sous ce contact. L'écran s'allume pour faire apparaître l'hologramme d'une cartographie. De nombreux points lumineux sont en mouvement. K émet un léger bruit plaintif, je comprends que mes craintes sont fondées.

— Bleiselcyon est en train d'être évacuée, déclare simplement Sayan. Le Grand Consul n'a pas donné cet ordre depuis son sommeil. Il est bel et bien éveillé et le Borl lui a transmis le message.

— Combien de temps avant que les hommes du Consul arrivent jusqu'à nous ? demande Sam.

— Ils sont déjà là, grogne Mei en fixant les écrans de pilotage à l'autre bout de la pièce. On est encerclés par des suppos dorés !

— J'ignore ce qu'est un suppo, mais nous les appelons les œufs, la reprend doucement Jofen dans une maladroite tentative de rapprochement.

Mei le regarde avec la nette envie de l'envoyer bouler. Mais contre toute attente, ses traits s'adoucissent et elle finit par dire avec un sourire triste :

— Avant de mourir, je t'expliquerai ce qu'est un suppositoire. Je t'en fais la promesse.

— Cassy-3 est bien plus grand ! On doit pouvoir les semer ! s'affole Sam en se précipitant vers les vitres. Kalen, tu as dit que tu étais prêt à décoller !

— Impossible, fait Sayan en continuant de pianoter. Non seulement notre bouclier s'est désactivé après l'appel de Kalen, mais en plus, Cassy-8 a pris le contrôle du poste de pilotage. Kalen, tu l'avais déjà remarqué, c'est ça ?

Le principal intéressé hoche lentement la tête. Au même moment, je sens une légère vibration. Notre vaisseau se met en mouvement.

— Je suis désolé, marmonne mon selcyn. Il leur a fallu moins de cinq minutes pour prendre la main. Cassy-8 n'était qu'à deux cents kilomètres.

Je me rapproche davantage de son siège et plaque sa tête contre mon ventre, tout en regardant les arbres disparaître au profit du ciel étoilé. 

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now